[Tribune] Côte d’Ivoire : apprendre l’art de la guerre

L’École de guerre de Côte d’Ivoire, ouverte en 2017, pourrait permettre une nette amélioration des armées et des gendarmeries du continent. Les autorités et les partenaires internationaux doivent être conscients de l’importance de la formation des forces armées et doivent être prêts à mettre les moyens nécessaires.

Un militaire ivoirien dans le quartier de Cocody, à Abidjan, le 6 août 2012. © Emanuel Ekra/AP/SIPA

Un militaire ivoirien dans le quartier de Cocody, à Abidjan, le 6 août 2012. © Emanuel Ekra/AP/SIPA

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  • Arthur Banga

    Docteur en relations internationales et en histoire des stratégies militaires. Enseignant-chercheur à l’Université Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan.

Publié le 4 février 2020 Lecture : 3 minutes.

Le 17 octobre 2019, tout le gotha militaire ivoirien s’est retrouvé à Zambakro, à 15 km à l’ouest de Yamoussoukro, pour assister à l’ouverture de la toute nouvelle École de guerre de Côte d’Ivoire. L’événement n’est pas passé inaperçu. Mais en quoi était-ce important et qu’est-ce que cela révèle des enjeux de la formation militaire en Côte d’Ivoire et, plus largement, en Afrique ?

Née en Allemagne au début du XIXe siècle, l’École de guerre est le dernier niveau de formation de l’officier. Elle combine cours miliaires et enseignements généraux et débouche sur le brevet militaire supérieur, censé regrouper les aptitudes nécessaires à qui veut pouvoir assumer un haut niveau de commandement ou conseiller les plus hautes autorités politiques.

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Combler un vide

En théorie, les généraux et les colonels qui commandent des forces armées ou des unités importantes doivent tous avoir fait une école de guerre. Mais jusque-là, en Afrique subsaharienne francophone, seul le Cameroun était doté d’un tel établissement. Les autres pays, y compris la Côte d’Ivoire, devaient se contenter des quelques places qui leur étaient offertes ici ou là. C’est donc peu dire que l’initiative va permettre de combler un vide. Le fait que des officiers supérieurs venus du Bénin ou d’Afrique du Sud y soient déjà inscrits le montre bien.

La formation de l’élite militaire sur le continent revêt un fort enjeu. Ne serait-ce que parce que les défis sécuritaires sont nombreux et que les constantes innovations techniques exigent une formation adéquate.

De part et d’autre du Sahel, les assauts contre des postes militaires isolés, les difficultés de planification opérationnelle ou encore la délicate coordination des différents services de renseignement nous rappellent chaque jour qu’il est indispensable que nos armées soient dotées d’un véritable savoir-faire stratégique. J’ajouterais que le déficit démocratique, qui fait parfois de l’armée un levier du pouvoir ou de sa régulation – ce fut le cas récemment en Algérie et au Soudan –, ne permet plus que la prise de décision soit confiée à des officiers mal formés.

Souci d’ouverture

Il apparaît donc impérieux de se mobiliser pour donner à l’École de guerre ivoirienne ses lettres de noblesse. Les autorités nationales et tous les partenaires au développement doivent s’activer – comme la Fondation Konrad Adenauer en Côte d’Ivoire – pour l’aider à mobiliser des financements et à attirer des enseignants de qualité. Le personnel encadrant se doit d’innover et d’adapter les formations aux besoins sécuritaires africains tout en respectant les standards internationaux.

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Plutôt que de s’enfermer dans un schéma national, l’école doit s’internationaliser autant que possible, tant au niveau des stagiaires que des formateurs. C’est cette originalité, ce souci d’ouverture au monde, qui permettront d’en faire un établissement de renommée mondiale et, plus important encore, un corps de colonels et de généraux rompus aux questions stratégiques.

On peut aussi espérer, par effet domino, une nette amélioration des armées et des gendarmeries du continent. Peut-être les chefs militaires seront-ils même plus susceptibles d’apporter des réponses crédibles aux problèmes sécuritaires qui se posent dans nos pays. Ils pourraient conseiller plus efficacement en temps de guerre et, en temps de paix, mieux orienter les entraînements et les recrutements, ainsi que la planification des effectifs et des capacités opérationnelles.

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Moderniser les équipements

Ce bond qualitatif devra s’accompagner d’une augmentation des budgets, notamment pour moderniser les équipements. Dans certaines écoles militaires du continent, les élèves, faute de munitions, ne tirent que deux à trois fois dans l’année et s’entraînent avec du matériel vétuste. Comment pourraient-ils ne pas être désemparés le jour où ils devront affronter un ennemi plus aguerri ?

En somme, et c’est une évidence, l’efficacité des armées africaines dépend nécessairement de la qualité des femmes et des hommes qui les composent – et donc de la formation qu’ils auront reçue. Il est indispensable que les autorités et les partenaires internationaux en soient bien conscients et qu’ils soient prêts à mettre les moyens nécessaires.

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