[Tribune] La transformation locale, passage obligé de la « Route du coton »

Pour que les producteurs africains de coton puissent remonter la chaîne de valeur et s’intégrer aux circuits internationaux, le public et le privé doivent travailler ensemble sur les trois éléments principaux de compétitivité que sont les prix, la gestion efficace de la production et la capacité à délivrer (logistique).

Un producteur de coton, au Burkina Faso © Théo Renaut pour J.A.

Un producteur de coton, au Burkina Faso © Théo Renaut pour J.A.

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  • Eren Kelekci

    Responsable en chef au sein du groupe de la BAD des opérations secteur privé et financement mixte, avec une spécialisation sur les secteurs coton/textile, agro-alimentaire et forêts

Publié le 5 février 2020 Lecture : 3 minutes.

Le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad, qui représentent à eux quatre une part importante de la production cotonnière en Afrique, ont formé un groupe de négociations à l’Organisation mondiale du commerce, baptisé le C4, afin de lutter contre la distorsion à la concurrence opérée par les autres grands producteurs de coton dans le monde.

Dans ces quatre pays, moins de 5 % de l’« or blanc » produit est transformé localement. Cette situation crée une dépendance aux mouvements de prix internationaux et représente de la valeur perdue pour les économies de la région. D’autant que celles-ci exportant par là-même les milliers emplois qui auraient pu être créés localement.

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L’effet multiplicateur de la transformation du coton ainsi que les impacts induits sur les économies locales est considérable. Ainsi, la seule production de fils multiplie déjà par deux la valeur du coton produite localement. Le multiplicateur est de trois si la transformation va jusqu’à la production de tissus de base, de quatre sur les tissus variés et de plus de neuf pour les produits confectionnés ou de prêt-à-porter de gamme moyenne.

Diminuer la dépendance au accords préférentiels

Aujourd’hui, le marché global de la demande de produits textiles est dominé par d’une part les grands distributeurs comme Walmart, Carrefour ou Gap, et de d’autre part les grands labels à l’image de Polo ou Levi’s. Ces mastodontes dessinent les collections et externalisent la production avec une attention toute particulière à la qualité et à l’origine des tissus, et aux capacités logistiques de leurs fournisseurs qui doivent pouvoir livrer les produits en un temps restreint. Ces sociétés gardent effectivement des niveaux de stock relativement faibles et, du fait de la multiplicité des collections et de leur rapide taux de rotation, exigent de fréquentes livraisons.

L’enjeu principal pour les pays de la région réside donc dans l’adoption d’un modèle économique en ligne avec ces attentes afin de s’intégrer dans des chaînes de valeurs globales. Pour cela, pas de secret, il faut gagner en compétitivité.

Certes, par le passé, les accords bilatéraux et multilatéraux sur la fibre ont modelé la production globale ainsi que le commerce du textile. Les accords, notamment avec les États-Unis (African Growth and Opportunity Act – Agoa) et l’Europe, offrent une opportunité pour le textile africain. Cependant, la question réside précisément dans le développement d’un modèle économique qui puisse diminuer la dépendance vis-à-vis de ces accords préférentiels, développer des sources durables d’avantages compétitifs et augmenter sensiblement la proportion des produits finis dans les exportations.

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Alignement d’intérêt total entre public et privé

Aujourd’hui, un certain nombre de facteurs clefs affectent de manière négative cette démarche : un équipement dépassé avec des frais de maintenance élevés ; sous-utilisation de certaines capacités de production ; le prix élevé de l’énergie ; ou encore une forte importation de produits textiles de seconde main.

Nous connaissons également les composantes essentielles du coût final du produit transformé : prix du coton ; coût de l’énergie ; main d’œuvre, intrants chimiques et coût du capital. Dans ce contexte, il s’agit maintenant de relever les principaux défis liés au développement du secteur à savoir la disponibilité de fonds propres avec une expertise associée et le financement à long terme.

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La question de l’attraction du capital privé est donc posée. Pour ce faire, celle plus large, de la synergie nécessaire entre l’intervention publique facilitant l’infrastructure, les intrants, les investissements et le secteur privé apportant capital privé et expertise technique. L’objectif affiché est celui d’un alignement d’intérêt total afin de travailler sur les trois éléments principaux de compétitivité : les prix, la gestion efficace de la production et la capacité à délivrer (logistique).

Dans un marché global guidé de plus en plus par les convictions du consommateur final, il devient impératif d’être au plus près de ce dernier. Au-delà de l’intensité en capital, l’industrie nécessite donc d’intégrer dans son modèle économique une forte intensité en termes de services.

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