La fin de la sieste

Depuis huit mois, les fonctionnaires n’ont plus que trente minutes, montre en main, pour déjeuner.

Publié le 21 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Appliqué depuis le 4 juillet 2005 dans les administrations, les services publics et les collectivités locales, l’horaire continu entre peu à peu dans les murs des fonctionnaires marocains. Non sans difficultés. Les nouveaux horaires de travail – de 8 h 30 à 16 h 30 du lundi au vendredi, avec trente minutes de pause déjeuner et une heure supplémentaire pour la prière du vendredi – bouleversent en effet le train-train quotidien des quelque sept cent mille fonctionnaires, habitués à une pause de deux heures, de midi et 14 heures. Bref, c’est la mort de la sieste ! Les plus hostiles à cette nouvelle organisation du travail dénoncent ce qu’ils appellent, de manière aussi drôle qu’excessive, « l’horreur continue ». « C’est une approche fondée sur une conception rationnelle et une gestion positive du temps destinée à soutenir le développement socio-économique », répond Mohamed Boussaïd, le ministre chargé de la Modernisation des secteurs publics.
En fait, davantage que le principe, c’est la mise en uvre de la réforme qui pose apparemment problème. Une partie de l’opinion estime que le gouvernement aurait dû prévoir des mesures d’accompagnement. « Les Marocains râlent parce que leurs petites habitudes sont bousculées, estime Abdelouahed Ourzik, directeur de la réforme administrative de 2001 à 2003, mais c’est une réforme pragmatique. Les temps changent et la façon de travailler doit changer aussi. L’horaire discontinu était une anomalie. »
La principale difficulté concerne l’inadéquation entre les horaires de travail des fonctionnaires et ceux de leurs enfants scolarisés, qui entraîne de délicats problèmes de transport, de garde, de repas, etc. C’est à la rentrée de septembre que les familles ont vraiment pris la mesure du changement. Les associations de parents d’élèves se sont mobilisées pour réclamer l’ouverture de cantines scolaires, sans grand succès. Quand les grands-parents, tantes ou voisins ne peuvent prendre le relais, les écoliers sont livrés à eux-mêmes. Certains parents se résignent à confier la clef de la maison à leur progéniture, mais s’inquiètent des risques d’accident domestique.
Autre sujet de mécontentement : l’insuffisance des infrastructures de restauration dans les administrations, qui induit évidemment des dépenses supplémentaires. En l’absence de ticket-restaurant, annoncés depuis longtemps mais toujours retardés, le repas des fonctionnaires se limite souvent au sempiternel sandwich-frites. D’autres choisissent la « formule Tupperware » et déjeunent sur leur lieu de travail, au mépris, parfois, des normes d’hygiène et de sécurité. Pourtant, les établissements publics s’équipent progressivement : trente ministères sur trente-quatre disposent aujourd’hui d’un réfectoire. Parallèlement, le marché de la restauration collective est appelé à se développer rapidement, avec, à la clé, la création de milliers d’emplois.
Parmi les bienfaits supposés de la réforme, le gouvernement évoque la diminution du stress pour les salariés, l’augmentation de leur temps libre (censée contribuer indirectement à la relance de la consommation), la réduction du temps de transport et la fluidification de la circulation (de ce point de vue, les progrès ne sont guère spectaculaires !), une baisse de la pollution et une augmentation de la productivité. Le ministère de l’Énergie et des Mines table pour sa part sur une réduction de la facture énergétique (électricité, carburant, chauffage) de l’ordre de 1 milliard de dirhams.
On attend avec curiosité le premier bilan que le gouvernement devrait être amené à dresser. Le 4 juillet prochain, par exemple, pour le premier anniversaire du lancement de la réforme.

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