Keret, écrivain au rire grinçant

Bousculant les valeurs sacrées de l’État hébreu, ce jeune auteur israélien s’est fait beaucoup d’ennemis dans son pays.

Publié le 22 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

Des gens qui habitent la lune. Un poisson déprimé mais loquace. Un diable amateur de chocolat Mozart. Voilà le genre de personnages que l’on croise dans Un homme sans tête et autres nouvelles, le dernier livre d’Etgar Keret. Comment résumer l’univers keretien ? Une écriture urbaine et résolument moderne, des nouvelles courtes comme écrites à bout de souffle, des fins absurdes. Le résultat ? Des récits qui raviront ceux qui n’ont rien contre les histoires irrationnelles parce que, justement, elles ressemblent furieusement à celles qui arrivent dans la vraie vie.
Nouvelliste, romancier, auteur de bandes dessinées et cinéaste, ce jeune Israélien inspiré est loin de faire l’unanimité dans son propre pays. Ce qui, d’emblée, lui vaut une certaine aura.
Commençons par remonter sa (courte) bibliographie française. En 2001, Actes Sud publie La Colo de Kneller. Dans ce bref roman de tout juste 92 pages qui se dévore d’une traite, le lecteur se retrouve dans un monde entièrement peuplé de suicidés. On y croise un certain Hayim, qui cherche sa moitié, un chanteur de rock, un soldat israélien, un kamikaze palestinien Bref, on se croirait en Israël, et le miroir que tend Keret à ses compatriotes suffit à lui valoir de nombreux ennemis tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique national.
L’année suivante, chez le même éditeur, a paru Crises d’asthme. Soit quarante-huit nouvelles aussi brèves que percutantes et un titre qui rend compte de l’atmosphère étouffante qui règne en Israël. La nouvelle intitulée « Des chaussures » évoque le dilemme d’un petit garçon qui, suite à la visite d’un mémorial de la Shoah, où on lui a raconté que les produits allemands étaient fabriqués « avec les os, la peau et la chair des Juifs morts », n’ose plus « taper dans le ballon avec la pointe » de ses Adidas, persuadé qu’il va « faire mal » à son grand-père mort dans un camp de concentration.
En raillant le mythe fondateur de son pays, Keret ne laisse pas grand monde de marbre. À la parution de Crises d’asthme, il a reçu autant de lettres incendiaires le traitant de gauchiste et le sommant de quitter le pays que de courrier le taxant purement et simplement de fascisme.
Âgé de moins de 40 ans, Keret fait partie, avec la romancière Orly Castel-Bloom ou le réalisateur Ari Folman, de cette nouvelle génération d’artistes israéliens qui, à l’inverse de leurs aînés, n’hésitent pas à bousculer les valeurs sacrées de leur nation. Est-il irréaliste d’y voir une lueur d’espoir pour l’avenir du pays ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires