Jéricho, ou la politique du pire

Publié le 21 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

A court terme, il est possible que la destruction de la prison de Jéricho par l’armée israélienne, le 14 mars, rende service à Ehoud Olmert, le Premier ministre par intérim, qui se présentera le 28 mars devant les électeurs. Elle peut aussi compliquer la tâche du Hamas, le mouvement islamiste qui, après avoir remporté les élections palestiniennes du mois de janvier, tente de se trouver des partenaires. Mais elle ne contribuera en aucun cas à stabiliser une situation qui pourrait facilement dégénérer en une violence incontrôlable, alors que la stabilité est essentielle à la sécurité des Israéliens et des Palestiniens – sans parler d’un éventuel règlement du conflit.
L’assaut lancé contre la prison, tanks et roquettes à l’appui, a permis aux Israéliens de s’emparer d’Ahmed Saadat, l’ancien chef du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et de cinq autres détenus. Tous avaient été incarcérés à Jéricho, sous surveillance américaine et britannique, dans le cadre d’un accord négocié il y a près de quatre ans. Le FPLP avait revendiqué la responsabilité du meurtre, en octobre 2001, de Rehavam Ze’evi, un ministre israélien partisan du nettoyage ethnique de tous les Palestiniens de Cisjordanie. Sept semaines auparavant, l’État hébreu avait assassiné le précédent chef du FPLP.
Israël est passé à l’attaque quelques minutes après le départ des observateurs américains et britanniques. Bien que le gouvernement de Londres ait écrit à Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, pour le menacer de retirer ses observateurs s’il ne renforçait pas les mesures de sécurité à la prison de Jéricho, l’opinion dans les territoires occupés et, à la vérité, dans toute la région est convaincue que Britanniques et Américains ont agi en collusion avec les Israéliens. Londres et Washington semblent avoir pris cette décision pour éviter que leurs ressortissants ne soient impliqués dans une opération israélienne visant à empêcher le futur gouvernement du Hamas de libérer les prisonniers.
Et pourtant, ladite opération s’inscrit parfaitement dans la campagne israélo-américaine destinée à dissuader les factions palestiniennes et les indépendants de participer au gouvernement d’unité nationale que le Hamas s’efforce de constituer (le FPLP lui a déjà donné son accord).
Beaucoup soupçonnent en outre Olmert d’avoir cherché à renforcer son image de garant de la sécurité auprès d’électeurs très enclins à voter pour des généraux. Il y a dix ans, Shimon Pérès, autre candidat civil, avait réagi à des attentats commis par des islamistes palestiniens pendant la campagne électorale en faisant au Liban une désastreuse incursion.
Avec l’appui, jusqu’ici, des États-Unis, Olmert entend étrangler tout gouvernement dirigé par le Hamas et redessiner les frontières d’Israël dans le droit fil de la stratégie d’Ariel Sharon visant à intégrer à Israël 44 % de la Cisjordanie occupée et la Jérusalem-Est arabe. En Irak, l’Amérique fait des pieds et des mains pour, au nom de l’unité nationale, amener les religieux triomphants et les petits partis laïcs à s’entendre. Mais elle n’envisage pas une seconde d’agir de même avec les Palestiniens, bien que les laïcs soient chez eux beaucoup plus influents et que ce serait sans doute le meilleur moyen de convaincre le Hamas de renoncer à la violence.
Il est peu probable que cette politique fasse plier le Hamas, mais elle pourrait contraindre les Palestiniens à accepter un État bancal – dans une région où la haine de l’Occident et d’Israël est déjà à son paroxysme. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et les pays qui ont intérêt à la stabilité du Moyen-Orient ne devraient pas sous-estimer l’erreur qu’ils commettent en s’aliénant Arabes et musulmans. La réaction occidentale à la victoire parfaitement honnête (même si elle pose des problèmes) du Hamas et à la prise de contrôle parfaitement légitime par Dubaï de l’exploitation des ports américains a un sens aussi précis que regrettable. À savoir qu’en dépit de ses beaux discours sur la démocratie et la liberté du commerce, l’Occident fait avec les Arabes une exception qui a incontestablement des relents racistes.

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