Accord Inde/États-Unis : oui, mais…

En acceptant de laisser les coudées franches à New Delhi, Bush met à mal le traité de non-prolifération, seul rempart juridique contre les États voyous.

Publié le 21 mars 2006 Lecture : 2 minutes.

J’ai un faible pour les pays qui ont 1 milliard d’habitants, où l’on parle une centaine de langues différentes et pratique plusieurs religions, où l’on organise régulièrement des élections libres et honnêtes, et où, malgré une grande pauvreté, on forme des générations de médecins et d’ingénieurs qui encouragent la production et consolident la paix. C’est un modèle de tolérance et de stabilité.
J’applaudis donc des deux mains le désir du président George W. Bush de renforcer le partenariat avec l’Inde. Il n’y a qu’un point sur lequel je garderais la plus grande réserve : je n’approuverais pas – sous sa forme actuelle – l’accord sur l’arme nucléaire que l’équipe Bush vient justement de négocier avec New Delhi. Je suis pour qu’on trouve une manière intelligente de faire entrer l’Inde dans la famille nucléaire mondiale. L’Inde mérite d’être traitée autrement que l’Iran. Mais nous, Américains, ne pouvons pas le faire d’une manière qui pourrait réduire en cendres le traité de non-prolifération et enclencher une course aux armes nucléaires dans l’Asie du Sud.
Quel est le problème ? L’Inde n’a jamais signé le traité en question, qui est le cadre juridique international limitant le club nucléaire mondial à cinq pays (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni et France). Depuis des décennies, la politique américaine n’a pas varié d’un pouce : nous ne vendons pas de technologie nucléaire civile à un pays qui n’a pas signé ce traité. Et puisque c’était le cas de l’Inde, elle n’a jamais pu acheter de réacteurs à l’Amérique, même pour ses besoins énergétiques civils. Mais comme l’Inde est très désireuse d’acheter de la technologie nucléaire américaine, et que les États-Unis souhaitent faire de l’Inde un contrepoids économique et géostratégique à la Chine, l’équipe Bush a voulu – à juste titre – trouver un moyen de sortir l’Inde de l’impasse où elle s’était elle-même enfermée en procédant à ses premiers essais nucléaires en 1974.
Selon l’accord passé entre Bush et l’Inde, celle-ci classerait comme « civils » quatorze de ses vingt-deux réacteurs nucléaires, sous contrôle international. Les huit autres ne seraient pas surveillés et pourraient produire autant de plutonium de capacité militaire que l’Inde le souhaiterait. En échange, les firmes américaines pourraient lui vendre des réacteurs nucléaires et de la technologie à usage civil.
C’est un accord inquiétant, car il ne peut que vider de sa substance le traité de non-prolifération. Je sais, bien sûr, que l’équipe Bush ne croit pas aux traités et prétend qu’ils ne sont jamais respectés par les États voyous. Mais ce traité-là est la base juridique sur laquelle nous avons pu constituer contre les voyous nucléaires des coalitions qui les empêchent de développer leurs armes de destruction massive. L’une des bases juridiques de l’isolement de Saddam Hussein était qu’il avait violé le traité de non-prolifération que l’Irak avait signé. Et ce traité est aussi la base juridique sur laquelle nous organisons une coalition contre l’Iran.

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