Un Premier ministre danois très peu danois

Publié le 22 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Le Danemark, ce petit pays du nord de l’Europe, traditionnellement reconnu comme un havre du libéralisme, s’efforce d’inventer une stratégie afin de régler le problème de son importante immigration en provenance des pays musulmans. La réponse trouvée par ce peuple scandinave a été d’élire un chef « anti-Danois » pour protéger son identité danoise.
Contrastant avec l’image « relax » et sociale que les Scandinaves ont d’eux-mêmes, Anders Fogh Rasmussen est un Premier ministre dur et solitaire. Malgré cela, la plupart de ses compatriotes le considèrent comme le plus à même de défendre la cohésion de leur petite nation. Même après la plus difficile semaine de toute sa carrière politique – au cours de laquelle il a appelé le monde musulman à mettre fin aux violences autour des caricatures du prophète Mohammed -, Anders Fogh Rasmussen, 53 ans, n’a connu que de rares défections dans le soutien qu’on lui accorde chez lui. Confrontés à leur plus grave crise internationale depuis l’occupation allemande, les Danois soutiennent leur leader, qu’ils respectent, à défaut de l’aimer.
Rasmussen est arrivé au pouvoir au sein d’une coalition de centre-droit qui a bâti son programme sur deux points forts : la baisse des impôts et les restrictions sur l’immigration. Peu après son élection, le gouvernement a fait voter des lois qui rendent difficile pour des nationaux la venue de leur conjoint depuis un pays hors de l’Union européenne. À présent, un Danois cherchant à faire venir son conjoint étranger doit être âgé de 24 ans, avoir une situation financière solide et posséder un bail d’appartement, tandis que le couple devra prouver une « connexion » avec le Danemark. Ces exigences ont classé les lois d’immigration danoises parmi les plus strictes de l’Union européenne et ont provoqué un malaise considérable parmi les émigrés danois, pour qui ces restrictions reflètent une intolérance croissante envers les minorités ethniques.
C’est à partir des années 1990 que les Danois ont commencé à considérer l’immigration comme une menace pour l’harmonie sociale. De plus en plus de musulmans – ils sont aujourd’hui près de 200 000 – sont arrivés dans un pays homogène, très agricole jusqu’aux années 1960. La peur croissante des influences étrangères sur la société danoise a trouvé une résonance chez Anders Fogh Rasmussen, fils d’un agriculteur du Jutland, le cur agricole du pays, resté plus conformiste que la libérale Copenhague.
Les détracteurs de Rasmussen disent que son provincialisme, ses origines modestes et campagnardes ne l’ont jamais vraiment quitté. S’il a obtenu des félicitations pour la façon dont il a exercé la présidence danoise de l’Union européenne il y a quatre ans, les intellectuels de son pays aiment à plaisanter sur son manque de sophistication et de connaissance du monde. Des insuffisances en matière de politique étrangère qui ont dû peser dans la crise des caricatures. Alors que la publication des dessins avait peu attiré l’attention au départ, la controverse s’est répandue lorsque Rasmussen a refusé de rencontrer un groupe d’ambassadeurs des pays musulmans qui cherchaient à manifester leur préoccupation. Pour de nombreux observateurs, il aurait répondre immédiatement afin de désamorcer la crise alors que la participation du Danemark à la guerre en Irak avait déjà tendu les relations avec la communauté musulmane. À la place, il a défendu bec et ongles le droit des Danois à la liberté d’expression.
Anne-Sophie Kragh, auteur d’une biographie de Rasmussen, affirme qu’il est une des « personnes les plus singulières [qu’elle a] rencontrées ». Selon elle, le Premier ministre avait peu d’amis lorsqu’il était enfant, mais avait très tôt l’ambition de devenir un homme politique. « Au Danemark, nous aimons que les choses soient pépères et agréables, alors que lui recherche l’ordre et la perfection. Il est trop ambitieux pour être un Danois typique, c’est pour cela qu’il est perçu comme un leader fort. »

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