[Chronique] Discrimination à l’embauche : la France à la rescousse des patronymes « maghrébins »

En France, une étude pointe du doigt sept grandes entreprises qui discrimineraient, dans leurs processus d’embauche, les candidatures à consonance maghrébine. Réalité du racisme français ou failles dans la méthodologie d’enquête ?

Discrimination à l’embauche pour les prénoms maghrébins © Glez

Discrimination à l’embauche pour les prénoms maghrébins © Glez

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Publié le 7 février 2020 Lecture : 2 minutes.

Peut-on s’appeler Louna et être hôtesse de l’air dans la compagnie aérienne nationale française ? Le prénom Younès disqualifie-t-il pour être agent commercial d’un constructeur automobile “gaulois” ? Un “Ibrahim” peut-il encoder un logiciel ?

Commandée par le gouvernement français, une étude du Commissariat général à l’égalité des territoires affirme que sept grandes sociétés sur quarante tirées au sort font preuve d’une « discrimination significative » envers des candidats à l’embauche portant un nom à consonance maghrébine.

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Air France conteste

Les entreprises mises à l’index par ce testing sont Air France, AccorHotels, Altran, Arkema, Renault, Rexel et Sopra Steria. Le gap de chance entre un « manifestement maghrébin » et un « Français visiblement de souche » serait de 25 %. Le premier aurait 9,3 % de chances d’obtenir une réponse partiellement positive à sa demande – par exemple un accusé de réception – contre 12,5 % pour celui dont le nom a une « consonance française », avec tout ce que cette formulation a de déraisonnable.

Si certaines entreprises comme Renault esquissent un acte de contrition, d’autres comme Air France dénoncent une étude qui serait triplement biaisée par son illégitimité statistique, la fragilité de sa méthodologie et même sa dimension qualitative. Si l’opération menée entre octobre 2018 et janvier 2019 a conduit à l’envoi de plus de 10 000 candidatures aux 40 groupes ciblés, la compagnie aérienne déplore que les conclusions la concernant n’ont été tirées qu’à partir de 76 curriculum vitæ.

En ce qui concerne la méthodologie, elle dénonce le recours à des candidatures spontanées volontairement déviées des services des ressources humaines – pour ne pas attirer l’attention – et de la plateforme digitale, qui reçoit 1 300 fois plus de CV par an. Et pour ce qui est de la variable qualitative du testing, Air France souligne que certaines demandes d’emploi concernaient des postes d’hôtesse d’accueil ou de techniciens de maintenance dont le recrutement est confié à des entreprises prestataires.

Un écart « trop important pour être un hasard statistique »

Quant à l’argument de la marge d’erreur inhérente à un sondage, il est balayé d’un revers de la main par le cabinet du ministre chargé de la Ville et du Logement. Il juge ainsi que le différentiel observé entre les deux segments de population « est trop important pour être un hasard statistique ».

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Le résultat de l’étude étonne à peine. D’autres travaux, au fil des ans, ont démontré le fléau de la discrimination au “faciès patronymique”, sur le marché de l’emploi comme dans la recherche de logement.

La nouveauté pourrait résider dans la démarche politique. Alors que beaucoup prêchent moins la sanction que le contournement par le CV anonyme, Emmanuel Macron, lui, prône la pratique du « name and shame » (nommer et couvrir de honte). La publication de la nouvelle étude correspond à cette stratégie, mais la pensée populaire africaine sait que certains patrons sont « nés avant la honte »…

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