Universités privées en panne

Les espoirs placés dans ces établissements pour désengorger l’enseignement supérieur public tardent à se concrétiser.

Publié le 21 février 2006 Lecture : 2 minutes.

En juillet 2000 était promulguée la loi sur l’enseignement supérieur privé. Elle visait à mettre de l’ordre dans un secteur en plein essor, mais qui avait besoin d’être mieux encadré. Les responsables, qui espéraient voir les vingt universités privées que compte le pays absorber quelque 30 000 étudiants en 2006, n’ont pas tardé à déchanter. Pour cette année 2005-2006, le nombre d’étudiants inscrits dans ces établissements n’excède guère 3 000, dont plus du quart à l’Université libre de Tunis (ULT), leader du secteur.
Ce chiffre est dérisoire compte tenu du nombre croissant de bacheliers frappant chaque année aux portes de l’enseignement supérieur. Les effectifs estudiantins ont en effet plus que triplé en dix ans, passant de 113 000 en 1995-1996 à plus de 360 000 aujourd’hui. D’ici à 2010, ils seront un demi-million. Un boom difficile à maîtriser, alors même que 5 % du budget de l’État est alloué au ministère de l’Enseignement supérieur.
Pourquoi les encouragements et les incitations consentis par les pouvoirs publics aux investisseurs n’ont-ils pas permis un plus grand développement des universités privées ? Mohamed Boussaïri Bouebdelli, président fondateur de l’ULT, s’interroge lui aussi : « D’où vient un tel décalage entre l’offre et la demande ? Avons-nous surévalué cette dernière ? Avons-nous surestimé les moyens dont pourraient disposer les familles pour financer les frais de scolarité de leurs enfants ? Est-ce la qualité de l’enseignement supérieur privé et de ses diplômes qui fait problème ? » Le président fondateur de l’ULT déplore également que les pouvoirs publics n’aient pas tenu toutes leurs promesses, notamment celles relatives à la prime d’investissement, à la prise en charge par l’État d’une partie des salaires et des charges sociales des enseignants, qui auraient peut-être contribué à un meilleur développement du secteur.
Pour le moment, les établissements supérieurs privés se maintiennent à flot grâce à l’afflux d’étudiants étrangers, notamment ceux d’Afrique subsaharienne. Ces derniers représentent plus de la moitié des effectifs de l’ULT et presque autant dans les établissements similaires. Les étudiants ivoiriens, maliens, camerounais, sénégalais ou congolais pallient ainsi la baisse des demandes d’inscription de leurs camarades tunisiens. Ces derniers sont plus attirés par les universités étrangères, notamment celles d’Europe de l’Est ou de Russie. Encore leur faut-il avoir les moyens de payer des frais de scolarité compris entre 1 700 et 7 000 dinars annuels (entre 1 000 et 4 310 euros), sachant que le « smic » en Tunisie est d’environ 200 dinars, soit 123 euros.
Le secteur peut-il survivre à sa crise actuelle ? Mohamed Boussaïri Bouebdelli pense que les pouvoirs publics ont intérêt à prendre en charge partiellement les frais de scolarité (bourses, prêts, etc.) d’un certain nombre d’étudiants qui choisiraient de s’inscrire dans les universités privées. C’est le seul moyen, en tout cas, pour désengorger les treize universités publiques, qui ont largement dépassé leurs capacités d’accueil.

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