[Tribune] Caucus de l’Iowa, les leçons d’un fiasco
Le premier vote de la primaire démocrate pour la présidentielle, qui se tenait dans l’Iowa le 3 février, devait clairement départager les différents candidats à l’investiture et donner une nouvelle impulsion au parti, mais la non-publication des résultats au soir du scrutin en raison d’un problème technique a enrayé la dynamique escomptée par les démocrates.
Traditionnellement, le vainqueur de l’Iowa bénéficie de l’élan du premier caucus de la campagne.
En 2008, la victoire surprise de Barack Obama l’avait propulsé jusqu’à l’investiture démocrate.
Cette année, le chaos entourant la collecte des résultats d’un processus complexe et l’absence d’un vainqueur indiscutable n’ont pas permis aux démocrates de créer la dynamique sur laquelle ils comptaient pour battre Trump.
Joe Biden distancé
Ni Pete Buttigieg ni Bernie Sanders, au coude-à-coude avec environ 26 % des suffrages, n’ont vraiment osé revendiquer la victoire, alors que les résultats définitifs n’étaient pas encore tombés deux jours après le vote.
Les démocrates de l’Iowa ont ainsi prêté le flanc aux accusations d’amateurisme, tandis que Trump s’est aussitôt réjoui de la désorganisation de ses adversaires, incapables de donner l’image d’un parti fort et conquérant.
Quel est, après ce faux départ, le candidat le plus à même d’émerger parmi les aspirants à la nomination ? Le cafouillage de l’Iowa aura-t-il un impact sur l’affrontement final face à Trump en novembre ?
En ce qui concerne la course à la primaire démocrate, le vote de l’Iowa n’aura pas d’impact décisif, car l’incertitude prévaut encore largement ; les électeurs démocrates restent très partagés sur leur meilleur porte-drapeau face à Trump.
La surprise est que le jeune élu de l’Indiana, Pete Buttigieg, soit apparemment arrivé en tête devant Bernie Sanders, alors que les derniers sondages donnaient plutôt le second en pole position.
Mais l’Iowa, ethniquement très blanc, n’est pas un État représentatif de la population américaine. Les électeurs démocrates y sont majoritairement centristes, à part les jeunes, qui sont l’un des principaux atouts de Sanders. Quant à Buttigieg, il a bénéficié du manque d’attrait pour Joe Biden, qui n’arrive qu’en quatrième position (15,5 %), derrière Elizabeth Warren (18 %).
Dans la course au leadership chez les centristes du parti, ce piètre résultat est relativement inquiétant pour l’ancien vice-président, même s’il sera difficile à Buttigieg de rééditer l’exploit dans des États ethniquement beaucoup plus diversifiés, comme le New Hampshire et, surtout, le Nevada et la Caroline du Sud, où Biden, nettement mieux implanté dans la population noire que son jeune rival, est assuré de faire de bien meilleurs scores.
À l’aile gauche du parti, avec 18 % des votes en Iowa, Elizabeth Warren n’a pas gagné la bataille du meilleur représentant des progressistes, mais elle demeure une menace pour Sanders. Les résultats des prochains États diront si elle peut revenir dans la course et gagner son pari d’être la première femme présidente des États-Unis.
Quant au vieux lion de la gauche, malgré sa déception de n’être pas le vainqueur incontesté de l’Iowa, il demeure favori pour le vote du New Hampshire, et le fait qu’il n’apparaisse pas comme le candidat le mieux placé le protège encore des coups qu’il ne manquera pas de s’attirer s’il se confirme qu’il est un prétendant majeur à l’investiture d’ici au « Super Tuesday » de début mars.
Court répit
Car malgré tous les appels des notables du parti à désigner le candidat le plus à même d’être élu face à Trump, suggérant qu’un prétendant trop « radical » aurait moins de chances qu’un centriste, la priorité des priorités des électeurs démocrates reste de battre Donald Trump.
L’extrême polarisation en cours – lisible aussi dans les résultats du vote sur la destitution au Sénat, où seul l’ex-candidat républicain Mitt Romney a osé transgresser la solidarité partisane – fait que quiconque remportera l’investiture est presque assuré d’emporter l’adhésion de tous ces Américains – au-delà même des rangs démocrates – soucieux avant tout de se débarrasser d’un président largement considéré comme l’un des pires de l’histoire du pays.
Malgré un léger recul récemment, le taux de rejet du président continue d’être supérieur à son taux d’approbation, avec un différentiel de 3 à 7 points selon les sondages*.
Certes, le raté de la primaire de l’Iowa semble faire les affaires de Donald Trump, qui peut se targuer d’avoir été acquitté par le Sénat et dont le discours très partisan sur l’état de l’Union a galvanisé la base.
Mais ce répit risque d’être provisoire ; les démocrates mettront un point d’honneur à corriger la mauvaise impression initiale, et les prochains votes dans les autres États braqueront de nouveau les projecteurs sur les démocrates, que cimente leur profond rejet de Trump.
Même si l’actuel président a réussi à se dépêtrer de la procédure de destitution, son image n’en est pas sortie grandie, notamment vis-à-vis des électeurs indépendants dont le vote reste stratégique dans l’optique de l’affrontement final, car une élection nationale se gagne à la marge, au-delà des soutiens traditionnels.
Le cafouillage initial du vote de l’Iowa rappelle que, pour les démocrates, le chemin de la nomination sera un long parcours semé d’embûches. Et il n’est pas certain que, pour le futur candidat, battre Trump se révélera plus difficile que d’obtenir l’investiture…
* RealClearPolitics, moyenne des sondages fin janvier-début février 2020.
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