N’oublions pas les droits de l’homme en Libye

Publié le 21 février 2006 Lecture : 3 minutes.

La Libye reste une société fermée et étroitement contrôlée. Il n’y a pas de presse indépendante ni de société civile, et il n’y a pas non plus de mouvements politiques sans autorisation officielle. Sous peine d’emprisonnement, les Libyens n’ont pas le droit de critiquer le gouvernement, son système politique ou son chef, Mouammar Kadhafi.

La torture reste un grave problème et l’appareil de sécurité libyen est omniprésent. Des cas passés de disparitions forcées restent non résolus, de même qu’un épisode qui s’est produit en 1996 à la prison d’Abou Salim, au cours duquel les gardiens ont tué un nombre inconnu de prisonniers.
Le gouvernement libyen se justifie en invoquant son système politique unique, la Jamahiriya, ou « l’État des masses ». À écouter les dirigeants libyens parler de ce système, on se trouve renvoyé au début de la guerre froide, quand les dirigeants communistes utilisaient des arguments analogues pour justifier leurs violations des droits de l’homme.

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Selon les explications que l’on dispense volontiers dans les cercles officiels, la Libye représente un système unique et avancé de gouvernance. Elle propose mieux que la démocratie parlementaire : la « démocratie directe ». Elle organise dans l’ensemble du pays des « congrès populaires », au cours desquels les citoyens débattent des problèmes qui se posent à leur gouvernement et prennent apparemment des décisions. Lors de ces congrès, on est censé pouvoir tout dire, mais du coup, explique-t-on, les Libyens n’ont pas à s’exprimer sur les problèmes politiques en dehors de ces congrès. Quel besoin les Libyens ont-ils de la « démocratie expressive », disent leurs dirigeants avec mépris pour parler de la liberté d’expression, quand ils ont la démocratie directe ? « Nous sommes au-delà de tout ça », m’a dit un jour un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur.

La population n’a-t-elle pas trop peur des agents de la sécurité pour se permettre de critiquer le gouvernement dans un congrès populaire, et à plus forte raison pour s’organiser et présenter les prises de position collectives ? « Vous ne comprenez pas la Libye, m’a dit un responsable de la sécurité. Le peuple n’a rien à craindre de la sécurité, parce qu’il est la sécurité. »

Le cas de Fathi al-Jahmi, 64 ans, montre le sort qui attend un défenseur de la liberté d’expression. Lors d’un congrès populaire, en 2002, il a plaidé pour des élections libres et une presse libre et demandé qu’on relâche les prisonniers politiques. Il a été condamné à cinq ans de prison. Libéré en mars 2004 après de nombreuses interventions internationales en sa faveur, Jahmi a immédiatement accordé des interviews à des journaux étrangers, où il en appelait à la démocratisation de la Libye et traitait Kadhafi de dictateur. L’agence de sécurité intérieure l’a arrêté dès le lendemain, pour sa « protection », a indiqué le chef de cette agence. Son procès est prévu pour le mois de mars.

Certains, cependant, semblent admettre la nécessité d’un peu plus de souplesse. Une fondation créée par Seif el-Islam, le fils de Kadhafi connu pour ses idées réformistes, a demandé la remise en liberté de 131 prisonniers politiques qui, dit-il, ne représentent pas une menace pour le gouvernement. Jusqu’ici, six seulement ont été relâchés, pour des raisons médicales.
Les gouvernements occidentaux peuvent encourager le processus de réforme en insistant sur le respect des droits humains. La Libye s’est proposée de participer à la « guerre contre le terrorisme », mais l’Occident ne doit pas garder le silence sur les violations de ces droits sous le prétexte de la coopération libyenne sur le front de la sécurité.

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* Kenneth Roth est le directeur exécutif de l’association Human Rights Watch.

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