Liaisons subsahariennes

Le siège de l’opérateur est aux Pays-Bas, ses capitaux sont koweïtiens, et pourtant, il est tellement africain !

Publié le 21 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis les indépendances, de nombreux visionnaires ont prôné l’unité africaine sans que jamais cette notion ne connaisse un début de concrétisation. Mais il est un domaine où le concept semble prendre racine : l’établissement d’une « marque » panafricaine. Ces dernières années, des groupes de télécommunications comme Celtel, MTN ou Vodacom ont massivement investi dans la définition d’une même identité pour tous les marchés africains où ils sont présents, à l’image de ce que font Vodafone et T-Mobile en Europe. « Il y a bien sûr des différences entre les pays, et même entre les régions au sein d’un même pays. Mais le besoin de communiquer est identique partout », explique Marten Pieters, directeur général de Celtel, qui ajoute aussitôt : « Les frontières en Afrique sont un héritage de l’époque coloniale. Elles ne reflètent pas toujours les liens économiques ou linguistiques, ce qui explique qu’il y a un important trafic téléphonique entre les zones frontalières. » Voilà pourquoi les abonnés de Celtel peuvent téléphoner entre le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie à un tarif moins élevé que celui des communications internationales. Pieters considère également que la marque panafricaine est un capital pour l’entreprise et qu’il prend de la valeur à mesure que le marché de la téléphonie mobile se développe en Afrique.
Sur les cinq premiers mois de 2005, Celtel International a réalisé un chiffre d’affaires de 396 millions de dollars. Le groupe, dont le siège est installé aux Pays-Bas, compte aujourd’hui 8,5 millions de clients dans quatorze pays africains, où vit environ un tiers de la population totale du continent : Burkina, Congo, RD Congo, Gabon, Kenya, Malawi, Niger, Ouganda, Soudan, Sierra Leone, Tanzanie, Tchad, Zambie et, depuis peu, Madagascar. S’il est absent de marchés plus vastes comme l’Égypte, le Nigeria et les pays du Maghreb central, Celtel arrive en tête, du moins le prétend-il, dans au moins dix des quatorze pays africains où il est établi. Dans tous les cas, y compris au Soudan, où il vient de prendre la totalité du capital de Mobitel (voir J.A.I. n° 2353), il est l’actionnaire majoritaire : « C’est un impératif pour affirmer notre marque, notre stratégie et nos valeurs », commente le directeur général.
Reste à savoir si l’épanouissement de la marque panafricaine ne risque pas de se heurter à la stratégie de ses nouveaux patrons. En mars 2005, le groupe koweïtien MTC a déboursé 3,36 milliards de dollars pour s’adjuger 85 % de l’opérateur. Aujourd’hui, MTC établit sa propre image au Moyen-Orient, mais demain ? « Nous conservons l’appellation Celtel en Afrique, mais à l’avenir, si la marque MTC prend de l’importance, rien n’est exclu », indique Pieters. Pour le moment, le changement de propriétaire n’a pas de conséquences opérationnelles : « Nous sommes encore une entité indépendante. Ce qui a changé, c’est la puissance financière de notre actionnaire, ce qui nous permet d’investir dans le développement de nos réseaux. »
Au plan technique, le directeur général de Celtel reconnaît que certaines évolutions peuvent également bénéficier de l’apport de sa maison mère : « Jusqu’à présent, nous sommes restés assez autonomes dans l’élaboration de nos nouveaux produits. Mais nous allons probablement chercher à bénéficier de l’expertise de MTC pour la mise en place de nos services de nouvelle génération. » Celtel est en effet sur le point de déployer des réseaux à la norme GPRS/Edge, qui offre un meilleur débit pour la transmission de données. Au Kenya, Celtel devrait suivre de peu son principal concurrent, Safaricom, tandis qu’il sera le premier à proposer ce système en Zambie.
Quant à savoir si sa nouvelle puissance financière lui permettra d’envisager d’autres acquisitions, Pieters reste évasif : « Il est assez difficile de prédire comment le secteur va évoluer. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à conquérir de nouveaux marchés et nous examinerons attentivement toutes les possibilités qui se présenteront, qu’il s’agisse du rachat d’autres opérateurs ou de nouveaux réseaux. » Il y a donc fort à parier que MTC ou Celtel seront candidats aux nouvelles licences de téléphonie mobile dont l’attribution est prévue cette année en Angola, en Égypte et au Sénégal.

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