Le monde à l’envers
Abdourahman Waberi réécrit l’Histoire et fait de l’Afrique un eldorado dont rêvent les pauvres Blancs.
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C’est à un renversement de notre mode de pensée que nous invite le dernier roman d’Abdourahman Waberi, Aux États-Unis d’Afrique. Dans ce livre, le continent africain est décrit comme une prospère fédération d’États, riche de mégalopoles, dotée de savants mondialement reconnus, d’artistes célèbres dont les uvres s’arrachent à prix d’or Sa capitale est Asmara, située comme on le sait en Érythrée c’est-à-dire non loin de Djibouti, la patrie de l’auteur. Ce pays de Cocagne fait rêver tous les démunis de la planète, les malheureux ressortissants d’Euramérique. Sans travail, sans terre, sans pain, sans domicile fixe, les Euraméricains fuient comme ils peuvent leur misérable condition, boat people affamés qui viennent s’échouer épuisés sur les belles plages de sable blanc, de l’autre côté de la Méditerranée.
L’exercice n’était pas facile. Comment, en effet, ne pas tomber dans le lieu commun de la fête des fous, quand le roi devient esclave et que le domestique s’attable à la place du maître de maison ? Une Afrique riche et moderne, un Occident pauvre et sous-développé, n’est-ce pas là l’expression d’une revanche virtuelle ? Waberi n’est pas du tout dans cet état d’esprit. Il nous force simplement à considérer le renversement de valeurs auxquelles nous sommes depuis si longtemps habitués qu’elles ne nous semblent plus du tout scandaleuses. Pourtant, elles le sont. Nous suivons les pas de Maya, la jeune fille sauvée de la misère par le providentiel Docteur Papa, mais qui s’aperçoit rapidement que le malheur et la mort peuvent aussi frapper les nantis.
On sort de ce livre étourdi, étonné et bouleversé. Les lecteurs occidentaux auront peut-être l’impression d’émerger d’un cauchemar, et les Africains d’avoir vécu un merveilleux rêve. Quoi qu’il en soit, Aux États-Unis d’Afrique est un roman courageux, iconoclaste et, in fine, d’une grande pertinence politique.
Aux Etats-Unis d’Afrique, d’abdourahman A. Waberi, éditions Jean-Claude Lattès, 234 pages, 15 euros.
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