La force de la conviction
Publié le 22 février 2006 Lecture : 1 minute.
L’émotion qui saisit le monde musulman à la vue des caricatures de son Prophète nous révèle la force du lien qui en unit les membres, un lien qui est l’essence même du mot « religion ». Nous avons l’habitude de penser qu’à une communauté d’intérêts il faut une organisation pour lui tenir lieu de colonne vertébrale et promouvoir la solidarité de ses membres. La réprobation spontanée à laquelle nous assistons, particulièrement digne et retenue là où il n’y a ni pouvoir politique pour l’instrumentaliser, ni pouvoir religieux pour souffler sur la braise, prouve que le sentiment des musulmans du monde d’appartenir à une communauté, à la Oumma, se suffit à elle-même, qu’elle transcende les différences ethniques, linguistiques, politiques, les clivages doctrinaux et qu’elle survit à toutes les vicissitudes de l’Histoire grâce à la relation directe de chacun avec chacun et de chacun avec tous.
Respectons ce capital. Même s’il peut à l’occasion donner lieu à des débordements incontrôlés, alimentant des généralisations qui font payer à l’ensemble les divagations de ses minorités, il est l’acquis d’une histoire plus que millénaire et représente une énergie potentielle qu’il est dans l’intérêt du monde de maintenir intacte, voire d’enrichir. Si l’indignation peut paraître excessive ou si l’on peut y déceler ici ou là quelque manipulation, elle révèle une capacité à dire « Halte ! » qui un jour peut-être, sur un sujet plus substantiel qu’une vulgaire caricature, sauvera l’humanité de la catastrophe. C’est aussi cela la mondialisation de la démocratie.
Alors qu’ils peinent à se doter d’une structure politique à la mesure de leurs ambitions, les Européens ne devraient-ils pas, au spectacle d’une communauté se prononçant dans le même sens et en aussi grand nombre sur une question fondatrice, se demander si ce n’est pas la conviction plutôt que l’organisation qui leur fait aujourd’hui le plus défaut ?
