Drôle d’époque

Publié le 21 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Hassan II, roi du Maroc (de février 1961 à juillet 1999), a dit un jour devant moi :
– Les autres chefs d’État du Tiers Monde sont adeptes du parti unique. Grand bien leur fasse ! Moi, je préfère la démocratie.
Mais si les partis qui se réclament de moi ne gagnent pas, c’est tout simple : je triche…
Cette scène vécue me revient en mémoire lorsque je vois ce que les États-Unis et Israël font, et entends ce que George W. Bush, président américain, et Ehoud Olmert, Premier ministre israélien, disent depuis que le Hamas a gagné haut la main les élections législatives palestiniennes, qu’il a accédé au pouvoir et se trouve en position, s’il le veut, de le détenir seul.

Ne pouvant mettre en doute l’honnêteté ou la validité des élections, ces deux chefs de démocraties patentées disent ceci, en substance, dont je vous laisse juge :
– Le Hamas a beau avoir gagné les élections, nous ne tiendrons compte de ce fait que s’il se résout à reconnaître la puissance qui occupe son territoire, s’il désarme et s’engage à renoncer à lutter par les armes contre l’occupation de son pays.
Ehoud Olmert ajoute, sans susciter de tollé :
– Si le Hamas n’accepte pas de se plier à ces conditions, comme c’est le plus probable, nous séquestrerons le produit des taxes douanières que nous devons reverser, chaque mois, à l’Autorité palestinienne pour montrer au peuple palestinien qu’il a eu tort de voter pour lui.
On va en faire baver aux Palestiniens, semer la discorde entre eux Ça leur apprendra peut-être à bien voter (lire aussi p. 18).

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Comment peut-on espérer persuader les Palestiniens, les autres Arabes, les musulmans ou qui que ce soit de choisir la voie démocratique si, le plus cyniquement du monde, on leur dit que leur vote ne compte pas dès lors qu’il heurte le sentiment ou les intérêts de ceux qui prétendent nous enseigner la démocratie et nous la faire aimer ?
Quand, en 2001, Ariel Sharon est arrivé au pouvoir en Israël à l’issue d’un scrutin pluraliste, qu’il a d’emblée renié les accords d’Oslo signés par l’un de ses prédécesseurs et mené une politique inverse, lui a-t-on reproché ce tournant à 180 degrés ?

Drôle d’époque où ceux qui nous rebattent les oreilles avec le mot de démocratie montrent, semaine après semaine, qu’ils ne font, au mieux, que l’instrumentaliser.
Et où un Vladimir Poutine, dont la démocratie n’est ni la préoccupation première ni le slogan, se trouve en position de dire :
– Le Hamas a été élu de manière indiscutable ; il représente l’opinion palestinienne dans sa grande majorité : c’est une évidence. Je décide donc de le recevoir pour écouter ce qu’il a à nous dire…

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