Quand le DVD crève l’écran
Bijou de technologie, ce format vidéo connaît un succès spectaculaire qui stimule l’industrie du cinéma et de l’électronique grand public.
Elle a paru en Europe le 8 janvier après avoir battu, fin novembre aux États-Unis, un record de ventes. L’édition DVD (Digital Versatile Disc) du dessin animé Ice Age (« L’Âge de glace ») a réalisé 120 millions de dollars de ventes en cinq jours, soit le prix de trois avions de ligne de type Airbus A-320… Pas de quoi toutefois détrôner Spiderman, champion toutes catégories avec des ventes qui ont atteint 190 millions de dollars en cinq jours, soit 75 millions de dollars de plus que lors de sa première semaine d’exploitation en salles. Selon le cabinet Ernst & Young, le marché américain des DVD représente un jackpot : 4,3 milliards de dollars sur le dernier trimestre 2002, deux fois plus qu’au dernier trimestre 2001 ! La hausse est tout aussi spectaculaire en Europe, même si les ventes y sont encore moindres. Le DVD n’y a été introduit qu’en 1998, un an après les États-Unis. Une avalanche de chiffres qui explique l’intérêt que les majors d’Hollywood portent à ce nouveau format de vidéo, qui fait tenir un film complet, avec image et son de haute qualité, sur un disque similaire à un compact-disc musical. La carrière DVD d’une production peut désormais rapporter plus d’argent que sa diffusion traditionnelle, à savoir la projection en public suivie de la parution d’une cassette vidéo. Le DVD est même devenu une arme commerciale au service des films à grand spectacle. Steven Spielberg, par exemple, a déjà prévu qu’en 2004 le quatrième volet d’Indiana Jones paraîtra sur grand écran simultanément aux DVD des trois précédents épisodes. Ces disques de plastique assurent également une nouvelle vie à d’autres productions américaines, comme les séries télé. Le mouvement ne cesse de s’amplifier : fin 2002, en pleine période de fêtes, le rythme de parution était de cent titres par semaine… La première explication à ce succès réside dans la technologie numérique. Un disque DVD peut contenir plus de deux heures d’un film et son doublage en huit langues. Le DVD est en outre plus léger et moins encombrant que la bonne vieille cassette VHS, inventée en 1975. Il offre une qualité d’image deux fois meilleure et il est inaltérable. Cette pérennité du support provoquerait un changement de comportement du consommateur vis-à-vis de l’oeuvre enregistrée. De nombreux professionnels comparent le DVD au livre et tablent sur la constitution de « DVDthèques » aussi riches et variées que les bibliothèques des amateurs de littérature.
Pour garnir ces étagères, Hollywood s’est lancé dans la réédition de films anciens, notamment de nombreuses comédies musicales comme My Fair Lady, Singing in the Rain, West Side Story ou des superproductions telles que Cléopâtre ou Casablanca. Le numérique leur évite de tomber dans l’oubli et permet aussi de restaurer l’image, qui retrouve sa finesse d’antan, et le son. Les spécialistes parlent de « remastérisation ». Pour certains de ces monuments du cinéma, les « bonus », ces scènes ou reportages supplémentaires sont des petits bijoux d’exclusivité. Résultat, on s’arrache ces « nouveautés », tout comme les films de l’année et les séries télévisées : un Américain équipé d’un lecteur achète en moyenne dix-huit DVD par an…D’autres industriels se frottent les mains, ce sont les fabricants de produits d’électronique grand public. Introduit il y a cinq ans, le lecteur de DVD équipe déjà un foyer américain sur trois, un sur quatre en Europe. Ce qui représente une percée deux fois plus rapide que pour le magnétoscope. Mieux, le DVD éveille l’intérêt du public pour d’autres équipements. La qualité de l’image et son format, plus proche de celui du cinéma, dopent la demande des grands téléviseurs, un segment de marché qui pèse 36 milliards d’euros dans le monde. Ces grands écrans représentent désormais plus de 30 % des ventes. Dernière innovation : les écrans plats à plasma ou à cristaux liquides, qui séduisent un nombre croissant de « DVDphiles » attirés par une baisse significative des prix, 30 % en un an. Le consommateur ainsi équipé peut difficilement se passer d’une ambiance sonore haut de gamme. Grâce au concept de home-cinema, le DVD a également un effet d’entraînement sur le marché des amplificateurs haute fidélité et des enceintes. Cette réussite commerciale hors du commun est aussi le résultat d’une alliance inédite entre deux univers, la télévision et le cinéma. Avec le téléviseur, puis le magnétoscope, les industriels n’avaient d’autre but que de banaliser l’accès à l’audiovisuel, donc de s’attaquer au gagne-pain des producteurs. Lesquels se défendaient en mettant au point des techniques toujours plus sophistiquées afin qu’elles restent hors de portée des téléspectateurs. Dont la stéréo, ou le format cinémascope. Cette fois-ci, les frères ennemis ont élaboré en commun les produits, lecteurs et disques, et les méthodes de lancement. Ainsi, tout fut prêt en même temps : choix des appareils et offre de titres diversifiés avec, pour conséquence, des politiques de prix agressives. Les premiers lecteurs avoisinent les 150 euros, contre 4 000 euros en 1997 et 1 000 euros il y a deux ans. Les disques se vendent entre 15 et 30 euros. Pour l’industrie de l’électronique grand public, les conséquences de la révolution DVD sont cependant limitées. L’accélération des ventes de lecteurs (+ 30 % en 2002) a réveillé un secteur dont la croissance était atone depuis plusieurs années (0,3 % par an) et qui se développe à nouveau (+ 3,5 %). Pour sa part, Hollywood, qui n’a jamais gagné autant d’argent, sort grand gagnant de l’aventure.
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