Place au partenariat privé
La coopération économique entre les deux voisins n’est plus seulement du ressort des gouvernements. Elle passe aux mains des entreprises.
L’année 2003 devrait constituer un tournant dans les relations économiques qu’entretiennent la Tunisie et l’Algérie. La coopération entre les voisins n’est pas chose nouvelle. La mise en service, en 1984, du gazoduc Transmed, qui relie l’Algérie à l’Italie en passant par le territoire tunisien, est l’un des exemples les plus imposants de ce partenariat dans le domaine énergétique. Mais hommes d’État comme entrepreneurs privés prévoient, cette année, d’approfondir et de redéfinir le partenariat entre les deux pays. Sortis de l’ère du dirigisme socialiste, Alger et Tunis ont décidé en premier lieu de se désengager dans les mois à venir des sociétés mixtes que les deux gouvernements avaient créées en Tunisie en 1983 et qui, au fil du temps, ont rencontré des difficultés souvent insurmontables. Ainsi la cession des actifs de la Société maghrébine de fabrication de moteurs thermiques (Sakmo), à Sakiet Sidi Youssef, devrait intervenir dans les prochains mois (voir encadré). Au programme également, la privatisation de la Société tuniso-algérienne de ciment blanc (Sotacib) de Feriana, qui jouit d’une position monopolistique. La liquidation en cours de la Banque de coopération du Maghreb arabe (BCMA) devrait s’achever cette année. Quant à la Société tuniso-algérienne de structures métalliques (Sotac), elle est arrivée au stade final de la liquidation. « Ces projets impliquant les deux pays ont capoté parce qu’ils n’ont pas été inscrits, dès le départ, dans une logique d’économie de marché », explique un dirigeant de l’une de ces entreprises.
Aujourd’hui, c’est sur cette politique économique que se fonde le partenariat renforcé entre les deux pays. Dans la foulée des accords conclus le 18 décembre à Tunis lors de la visite du chef du gouvernement algérien Ali Benflis, le secteur privé prend désormais le relais en initiant différents projets. Une douzaine sont actuellement en discussion. Plusieurs investisseurs tunisiens se sont déjà implantés en Algérie dans le secteur des hydrocarbures. La société Medex Petroleum, par exemple, contrôlée par la famille tunisienne Bouchamaoui et enregistrée à Chypre, s’est associée à la compagnie pétrolière nationale algérienne Sonatrach par trois contrats de recherche dans la zone du bassin d’Illizi. Le premier de ces contrats, celui de Bordj Omar Idriss, date du 23 décembre 2001. Les deux suivants, signés le 10 juillet 2002, concernent le périmètre de Bourarhet (2 453,6 km2) et celui de Erg Essouane (2 873,8 km2). Le secteur de l’énergie offre sans doute les plus importantes occasions de coopération entre ces deux pays du Maghreb, comme l’illustre l’accord convenu en décembre entre les ministres de l’Énergie des deux États, l’Algérien Chakib Khelil et le Tunisien Moncef Ben Abdallah. Cet accord, qui implique l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap) et la Sonatrach, prévoit la création d’une société mixte spécialisée dans la recherche et la prospection d’hydrocarbures. Les deux dirigeants se sont également entendus sur l’approvisionnement de leurs zones frontalières en GPL (gaz de pétrole liquéfié) et envisagent l’installation d’une unité d’embouteillage des lubrifiants.
L’Algérie représente une terre pleine de promesses pour les investisseurs tunisiens : au moins deux projets de coopération entre entreprises privées sont actuellement en chantier. Le plus avancé concerne la production du sulfate d’alumine, utilisé notamment pour le traitement des eaux de consommation. Il prévoit la construction à Oran d’une usine de fabrication de ce produit destiné au marché local puis à l’exportation. La Société tunisienne des produits alumineux (STPA), dirigée par la famille Belaid, a reçu l’aval des autorités tunisiennes. Le 2 décembre, c’était au tour d’Alger, par la voix du Conseil des participations de l’État, d’avaliser un partenariat qui unit la STPA au distributeur de produits chimiques algérien Diprochim et la Société financière d’investissement, de participation et de placement (Sofinance), une institution algérienne créée en 2001 pour, notamment, accompagner les opérations de privatisation des entreprises publiques. Autre exemple de l’intérêt que portent les hommes d’affaires tunisiens à l’Algérie : Alkimia, un producteur de détergents chimiques en pleine expansion, envisage d’augmenter sa capacité de production et se dit prêt à ne pas s’étendre en Tunisie, mais chez son voisin, s’il réussit à acquérir la société algérienne Kimial, à Annaba. Sauf que la privatisation de cette dernière se fait attendre.
Mais de tels partenariats ne peuvent fleurir à l’ombre du protectionnisme des bureaucrates et de la frilosité de certains opérateurs économiques, si fréquente dans la région et qui nuit déjà à certains plans : les deux États ont conclu des accords de libre-échange avec l’Union européenne. Ils se sont également engagés à ouvrir leurs frontières au reste du monde dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Dans ce nouveau contexte, un projet de zone de libre-échange entre l’Algérie et la Tunisie a été lancé. Il pourrait permettre aux entreprises de s’aguerrir et de gagner en compétitivité. Or la bureaucratie bloque ce dessein. Ce genre d’obstacles laisse présager que les échanges commerciaux entre les deux voisins resteront faibles même s’ils ont doublé entre 1999 et 2001, passant de 113 millions à 228 millions de dinars tunisiens (87 millions à 175 millions d’euros). Les deux pays laisseront-ils l’immobilisme gâcher leur chance de se doter d’un cadre adéquat pour se développer davantage ?
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