Parce que la pub le vaut bien

Le pays entre pleinement dans l’ère de la communication. Le secteur explose et attire de plus en plus de jeunes talents. Deux nouvelles agences viennent de voir le jour.

Publié le 21 janvier 2003 Lecture : 6 minutes.

L’année 2003 sera-t-elle placée sous le signe de la communication ? Malgré le ralentissement conjoncturel de l’économie tunisienne, le secteur connaît en effet une véritable explosion. À preuve, la naissance, le 2 janvier dernier, de deux nouvelles agences : Starcom – oeuvre de Leyla Lemnif, une professionnelle réputée – et United Advertising. Si aucun tapage particulier n’a été fait autour de la première, United Advertising a en revanche retenu l’attention, et ce en grande partie du fait de la personnalité de son fondateur : Slim Chiboub, gendre du président de la République, homme d’affaires et très médiatique président de l’Espérance sportive de Tunis, l’un des ténors du football africain.
Installées aux Berges du Lac, le nouveau quartier des affaires de Tunis, la quinzaine de personnes qui composent l’équipe de United piaffent d’impatience. Et placent la barre très haut : « United a pour ambition de devenir la première agence de communication en Tunisie, nous a déclaré Khaled Ben Abdallah, son directeur général. Et, à moyen terme, d’ici à trois ou quatre ans, la meilleure agence d’Afrique du Nord. Nous ne voulons pas nous cantonner à la réalisation de publicités. Nous souhaitons également travailler sur le marketing et la stratégie du client. » Un objectif qui passe, selon Ben Abdallah, par un développement des activités dans le domaine de l’événementiel, qui, s’il est pour l’heure peu développé, présente il est vrai un potentiel non négligeable.
Et le directeur général de citer comme exemples l’organisation des spectacles de stars internationales, des cérémonies hautement médiatisées telles les remises de prix de cinéma, et des manifestations sportives, nationales ou internationales. Ce qui induit des changements importants sur le marché publicitaire, qui entoure notamment les matchs de football. « De tels événements, qui nécessitent beaucoup de communication et de sponsoring, drainent des publicités », souligne Ben Abdallah.
De grands rendez-vous sont justement prévus en Tunisie dans les prochaines années : la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) en 2004 – dont le comité d’organisation est présidé par Slim Chiboub -, le championnat du monde de handball en 2005 et, pourquoi pas, la Coupe du monde de football en 2010… si la candidature de la Tunisie est retenue. United a-t-elle inscrit ces rendez-vous dans son agenda ? « Pour le moment, il n’y a pas de décision à ce sujet, mais ce sont des événements à ne pas négliger », répond Ben Abdallah.
Reste que la nouvelle agence ne peut tout miser sur l’événementiel. Elle s’attachera donc à chasser sur des terres déjà occupées. « Dans toute économie concurrentielle, il faut enlever des parts de marché, précise Ben Abdallah. Je ne vais pas attendre que les clients viennent me voir, je vais aller les chercher… Il y a d’excellentes agences en Tunisie. Pour rivaliser avec elles, je compte travailler d’une manière extrêmement professionnelle. Il y a de la place pour une agence comme la nôtre. » Les professionnels de la communication semblent d’ailleurs voir d’un bon oeil l’arrivée de United Advertising, bien que celle-ci ait puisé dans leurs ressources humaines et risque de grignoter des parts du gâteau, car cette concurrence est perçue comme une occasion de renforcer l’activité. « C’est extrêmement bénéfique pour le secteur », explique Taoufik Habaïeb, « gourou » du milieu et patron de TH Com, l’une des plus grandes sociétés de communication du pays. « Il est temps pour la Tunisie de s’enrichir de nouvelles entités et d’anoblir ce métier pour y attirer de nouveaux talents. Le parrainage de United par une personnalité de premier plan aidera la profession à mieux se concerter avec les médias et les autres partenaires. »
Présidente depuis 1995 du Syndicat des agences de publicité agréées (Sapa, membre de l’organisation patronale tunisienne Utica), et cofondatrice de l’agence Label (affiliée à Ogilvy), Syrine Maaref résume la réaction des grands de la profession : « Plus nous avons des agences fortes, compétentes, professionnelles et spécialisées, plus nous tirons le secteur vers le haut. L’arrivée d’une nouvelle agence est favorablement accueillie quand elle remplit ces conditions. C’est l’ambition déclarée de United. » Syrine Maaref, 39 ans, est l’une des pionnières du monde de la communication. Elle s’est beaucoup investie par le passé pour que la profession s’organise, s’autodiscipline, instaure des règles déontologiques et adapte la réglementation régissant un métier qui ne s’est réellement développé dans le pays qu’après l’introduction de la publicité à la radio-télévision (publique) en 1987, et la diffusion des premiers spots télévisés en 1988. La première grande agence, Label (Ogilvy), a été lancée en 1989, et les annonceurs de poids sont apparus à la faveur de la croissance économique et de la libéralisation de l’économie. Ces deux phénomènes ont tiré le marché vers le haut et aidé les entreprises tunisiennes à rattraper leur retard en matière de marketing et de communication. Il y a une dizaine d’années encore, les plus gros budgets de communication des annonceurs ne dépassaient pas les 200 000 dinars par an (environ 142 200 euros). Aujourd’hui, certains, comme Coca-Cola, le groupe Mabrouk, Henkel, Unilever ou le groupe LG, investissent chacun plus de 2 millions de dinars par an. Pour le seul mois de ramadan, durant lequel la consommation alimentaire connaît un pic, la publicité rapporte à la télévision quelque 4 millions de dinars.
Syrine Maaref estime à 62,5 millions de dinars le total des dépenses publicitaires effectuées en 2001, hors événements spéciaux (comme les jeux Méditerranéens), qui disposaient de budgets à part. La télévision est le support qui a le plus profité de cette manne avec 23 millions de dinars de recettes, suivie par la presse écrite (20 millions), l’affichage (6,5 millions) et la radio (0,5 million). Quelque 2,5 millions ont été investis en hors-médias (promotion directe, etc.). Les dépenses liées à la création et à la production de spots se sont quant à elles situées autour de 10 millions de dinars.
Le marché de la communication génère quelque trois mille emplois directs et indirects. Il attire surtout de jeunes talents créatifs, diplômés des universités étrangères comme tunisiennes. Fait notable : plus de la moitié des postes sont occupés par la gent féminine. La publicité serait-elle un métier de femmes ? « Figurez-vous que oui, répond Syrine Maaref. Elles y sont nombreuses et influentes… Précises et efficaces, elles ont un petit quelque chose en plus : la perception des habitudes de consommation, domaine où les femmes sont déterminantes puisque c’est le plus souvent à elles que la pub s’adresse. »
Outre Syrine Maaref et Leyla Lemnif, citons Rim Hachicha, à la tête de Média Mail Communication (MMC), agence créée en Algérie il y a quatre ans et qui vient de prendre le contrôle de Ceres-Conseil en Tunisie ; Hajer Belhassine, patronne d’Initial ; Afifa Chihaoui, aux commandes de FP 7 ; et Raja Neffati, directrice générale d’Actuel, qui réalise les campagnes du groupe Batam.
Les jeunes talents masculins ne sont pas en reste. Slim Zghal, un centralien âgé de 37 ans, a travaillé huit ans chez Vivendi et deux ans chez Havas, à Paris, avant d’être nommé dernièrement directeur général de Ceres-Conseil (MMC-DDB). Son homologue de United, Khaled Ben Abdallah, 28 ans, diplômé des Hautes Études commerciales (HEC, Tunis) et titulaire d’un MBA en finances de l’université Concordia de Montréal, a derrière lui cinq années d’expérience dans la finance et la publicité. D’abord au Canada au sein d’HydroQuébec International, puis en Tunisie à la banque d’affaires IM Bank et dans le groupe Mabrouk (agroalimentaire et grande distribution). Il a effectué un bref passage dans l’agence de communication Atlas avant de créer Trait d’Union, sa propre régie d’espaces publicitaires. Entraîneur de l’équipe de Tunisie de motocross – sport qu’il pratique dans son fief de la Marsa, dans la banlieue de Tunis -, on lui reconnaît volontiers un côté fonceur. À l’image, sans doute, de cette génération qui construit le monde de la communication en Tunisie.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires