Les Européens s’obstinent

Des fumeurs « persécutés » se posent en victimes.

Publié le 21 janvier 2003 Lecture : 2 minutes.

« Pourquoi les Européens n’arrêteront pas de fumer » : c’est le titre de une de l’édition internationale de l’hebdomadaire américain Time datée du 13 janvier. À l’intérieur, huit pages. Pourquoi un tel choix éditorial ?
Parce que les Américains savent que le tabagisme pose un très grave problème de santé mondial : il fait 4 millions de morts par an, plus que le sida. Et parce qu’ils ont bonne conscience : ils ont pris chez eux des mesures drastiques – il est interdit, par exemple, à New York, de fumer dans la rue. Et ce sont des mesures qui sont appliquées. Mais celles qui ont été prises en Europe, aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne ou en Allemagne, ne le sont pas. Pourquoi ? Le tabac y tue pourtant 500 000 personnes par an, plus que Tchernobyl.
La consommation de tabac, certes, a dans l’ensemble reculé. Il y avait 47 % de fumeurs dans la population adulte de l’Union européenne en 1987, il n’y en a plus que 30 % (sauf chez les nouveaux membres de l’Europe de l’Est). Mais ce recul ne s’observe que chez les hommes. Le nombre de fumeurs augmente parmi les femmes, où il frôle maintenant les 27 %. Il augmente plus encore chez les 15-24 ans, où il est de 36,8 %. Pis, l’augmentation est particulièrement rapide, en France, chez les jeunes : 6 % de fumeurs chez les 13 ans, 36 % chez les 16 ans, 51 % chez les 19 ans. Ce qui laisse augurer que le nombre de décès annuels liés au tabac passera d’environ 55 000 actuellement à 165 000 en 2025. Les fabricants, bien sûr, en profitent : 134,8 milliards d’euros de bénéfices en Europe en 2001 pour les six premiers.
L’explication est culturelle. Constatant comme tout un chacun qu’on fumait dans le métro, dans les gares, les aéroports et les lycées, malgré les interdictions de la loi Evin de 1993, les enquêteurs de Time sont allés interroger Claude et Catherine Pinet , les propriétaires du café-tabac Le Chien qui fume, boulevard Montparnasse, à Paris – qui vend pour 106 700 euros de cigarettes par mois. « Au début, nous avons essayé d’avoir une zone fumeurs et une zone non-fumeurs, raconte Catherine Pinet. Mais les gens ont continué à fumer partout. Comme la loi n’est pas appliquée et que les non-fumeurs n’osent pas protester, il s’est établi une sorte de consensus. Quand la fumée devient insupportable, ce sont les non-fumeurs qui s’en vont ! »
Qu’en sera-t-il après les mesures apparemment énergiques qu’a prises en janvier la Commission de Bruxelles ?

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