Les amis de savimbi sont mes ennemis
Une politique étrangère se définit généralement par les impératifs liés aux intérêts nationaux. Dans le cas de l’Angola, l’axe principal de sa diplomatie depuis l’indépendance, en 1975, a été dicté par un souci unique : comment se défaire de l’ennemi intérieur, l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) de Jonas Savimbi ? Véritable obsession du régime de José Eduardo Dos Santos, cette question a fini par confiner les actions extérieures de l’Angola dans un manichéisme simpliste : les amis de mon ennemi sont mes ennemis. Ou encore, tout ce qui porte atteinte aux intérêts de Savimbi est bon pour Luanda. Les chefs d’État qui reçoivent, avec faste, el Galo Negro – comme le Marocain Hassan II, l’Ivoirien Houphouët-Boigny, le Zaïrois Mobutu ou le Burkinabè Compaoré ? Une bande de réactionnaires avec lesquels on ne peut entretenir de relations fécondes. S’inspirant fidèlement de l’évolution du conflit fratricide qui secouait le pays, la politique étrangère angolaise a fini par s’imprégner fortement et durablement d’odeur de poudre, et la diplomatie de Luanda s’est plus épanouie sur les champs de bataille que dans les salons feutrés des palaces européens et africains. Incapables de contrer les troupes de Savimbi dans les provinces de l’intérieur, les Forces armées angolaises (FAA) se sont impliquées dans les conflits minant les pays voisins, combattant les régimes qui accordaient facilités et infrastructures logistiques à l’Unita. La guerre civile angolaise, survivance de la guerre froide, a tourné à l’avantage de celui qui était censé la perdre : le MPLA. En optant pour le bloc de l’Est, qui se désagrégea dès 1989, avec la chute du mur de Berlin, on aurait pu penser que Dos Santos avait misé sur le mauvais cheval. Pourtant, même passée de mode, la formule de Marx selon laquelle l’économique détermine tout le reste, finit par lui donner raison. En pariant sur le pétrole, le successeur d’Agostino Neto fit le bon choix. L’or noir a fini par rendre plus acceptable cette diplomatie du kalachnikov menée chez ses voisins. Et les responsables angolais, hier marxistes, aujourd’hui convertis aux vertus du libéralisme triomphant, sont devenus plus fréquentables selon les critères de la Maison Blanche.
Près d’une année après la mort de Jonas Savimbi et huit mois après l’accord de paix avec l’Unita, la politique étrangère de Luanda ne semble guère avoir changé d’axe. Pour preuve, la crise que vit la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002. Dans ce pays, pourtant très éloigné de sa zone d’influence, l’Angola s’est directement impliqué par la fourniture massive d’armes, de véhicules blindés et, semble-t-il, de quelques commandos d’élite à l’armée de Laurent Gbagbo. Luanda s’est certes souvenu que celui-ci fut un farouche opposant à Houphouët, longtemps grand protecteur de Savimbi, mais il s’est surtout engagé dans ce conflit parce qu’un autre président figurant sur la liste noire de la diplomatie angolaise, Blaise Compaoré, a été cité comme parrain présumé de la rébellion ivoirienne. Les rancunes angolaises sont tenaces. Et l’Afrique du Sud l’a appris à ses dépens. Le régime de l’apartheid s’était clairement engagé aux côtés de Savimbi. L’arrivée de l’ANC et la chute du pouvoir blanc à Pretoria n’ont pas réussi à réduire la tension entre les deux pays.
Depuis le 1er janvier 2003, l’Angola est membre non permanent du Conseil de sécurité. À ce titre, il le présidera à deux reprises. Gageons qu’en l’occurrence sa diplomatie opérera sa mue.
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