Le ferroutage absent d’Afrique

Pourquoi la combinaison rail-route ne se développe pas sur le continent.

Publié le 21 janvier 2003 Lecture : 2 minutes.

En Europe, nombre de chantiers de ferroutage sont en cours de réalisation. Combiner le transport par la route et le rail en plaçant les camions sur les plateaux des wagons évite l’engorgement des réseaux routiers et permet de réduire le nombre d’accidents ainsi que les facteurs de pollution. Sur le continent africain, malgré des itinéraires que l’on pourrait facilement dédier au ferroutage, ces chantiers brillent par leur absence. Les experts estiment que sous la pression de la libéralisation, le flux des échanges va doubler en Europe dans les vingt ans à venir. Un exemple montre néanmoins que la prédominance du fret routier n’est pas irréversible. La Suisse, qui occupe une position centrale sur le continent, mise à la fois sur le ferroutage et sur le transport combiné (transport de marchandises par conteneurs placés sur des trains puis rechargés sur un camion à l’arrivée). Deux tunnels consacrés à ces modes propres sont en construction : celui du Lötschberg et celui du Saint-Gothard, qui seront mis en service respectivement en 2006 et 2015.
Les pays africains devraient connaître une tendance similaire à l’Europe quant à l’augmentation des échanges. Mais le ferroutage n’y est pas vraiment d’actualité. Ainsi, la Banque mondiale finance de multiples projets routiers, reproduisant le modèle du tout-camion qui a pourtant montré ses limites dans les pays du Nord. « Nous n’avons pas de projet de ferroutage en Afrique, reconnaît Marc Juhel, spécialiste des transports à la Banque mondiale. Les réseaux ferrés africains qui fonctionnent bien sont rares. Nous cherchons avant tout à promouvoir une rationalisation et une mise en concurrence des moyens de transport, avant d’investir dans des capacités supplémentaires. » Même si les accidents impliquant des camions en mauvais état circulant sur des voies usées font payer un lourd tribut social et environnemental aux populations africaines.
D’Abidjan à Ouagadougou, de Mombasa à Kampala, deux grandes routes surchargées longent des voies ferrées sous-utilisées. Partant tous deux d’un port, ces grands corridors de communication irriguent des zones économiques. Andréas Schliessler, autre spécialiste des transports à la Banque mondiale, ajoute : « En Europe ou aux États-Unis, le ferroutage marche bien, car on sait quand la marchandise part et arrive. De plus, la législation sur le temps de conduite des chauffeurs routiers est contraignante. En Afrique, les coûts ne sont pas les mêmes, les salaires des chauffeurs sont peu élevés, tout comme les prix des camions. Et pour que le ferroutage soit attrayant, il faut des investissements élevés en matériel de qualité. »
Certes, remettre en état un réseau ferré vieillissant, asseoir autour d’une table les autorités en charge des activités ferroviaires et portuaires, sans oublier des transporteurs routiers réticents, demande une forte volonté politique. Les acteurs économiques ont des habitudes de travail avec la route, et il paraît plus simple de refaire à neuf un réseau routier, plutôt que de poser la question du ferroutage. Mais le développement durable imposera tôt ou tard de mettre le transport ferroviaire sur la liste des grands projets.

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