La Fallaci (toujours) à l’attaque

Celle par qui le scandale est arrivé ne renie rien de ses virulentes attaques contre l’islam, mais, déjà, elle a la tête ailleurs…

Publié le 21 janvier 2003 Lecture : 3 minutes.

«Je déteste ce livre, il me hante. » Non, « la Fallaci », comme disent les Italiens, ne renie pas La Rage et l’Orgueil, ce pamphlet contre l’islam devenu un best-seller et qui lui a valu procès et menaces de mort. Tout au contraire : à sa manière, elle ne cesse de l’expliquer, de le défendre contre les accusations de racisme dont il a fait l’objet. Ainsi, dans une longue et rare interview accordée à Holly Yeager, pour le Financial Times.
« Parler de racisme à propos d’une religion et non d’une race, estime- t-elle, est un très mauvais service qu’on rend au langage et à l’intelligence. Capito ? »
Certes, assimilant trop vite l’islam au seul islamisme radical, elle persiste à dénoncer la « croisade à l’envers » que mène celui-ci pour « la conquête de nos âmes et la disparition de notre liberté ». Selon elle, « cette guerre vise à détruire notre civilisation, notre manière de vivre et de mourir, de prier ou de ne pas prier, de manger, de boire, de nous habiller, d’étudier et de jouir de la vie ».
Mais elle ne se fait pas pour autant la championne de la Croix contre le Croissant. Elle n’ignore pas que le christianisme, religion d’amour comme chacun sait, a justifié les croisades, les bûchers de l’Inquisition et la « conversion » exterminatrice des Indiens d’Amérique du Sud. « Je suis athée », insiste-t-elle, tout en défendant l’héritage chrétien de l’Occident, dont elle voit les monuments menacés, comme à Florence, sa ville natale, par l’irrespect des immigrés ou les débordements des manifestations antimondialistes : « J’ai sauvé Florence, affirme-t-elle. J’ai une autorité morale dans ce pays. Quand je dis quelque chose, on écoute. »
On écoute, mais ne comprennent pas ceux qui ne veulent pas comprendre : « Qui est avec moi ? Il popolo. Et qui ne l’est pas ? Une grande partie des soi-disant intellectuels », qui, par conformisme pluriculturel, sont prêts à « accepter une culture qui opprime les femmes et rejette la démocratie ». Oussama Ben Laden n’est que « le sommet de l’iceberg », ce qui signifie que « le véritable ennemi est tout ce qui se trouve sous l’eau ».
Aussi retrouve-t-elle intacte son agressivité quand l’interlocuteur fait allusion aux grandes interviews, notamment de Henry Kissinger, qui ont marqué le début de sa célébrité.
« Ne revenez pas à ces maudites interviews. C’est une partie si peu importante de ma vie et de mon travail ! Je suis un écrivain. Je suis un auteur. Je ne m’intéresse plus à ces damnés entretiens, et moins encore à certains de leurs protagonistes. Celui dont je me soucie le moins est d’ailleurs Kissinger. Revenir à ce pauvre homme serait une insulte aux importants événements d’aujourd’hui. » « Réveillez-vous ! » s’écrie-t-elle en retournant à son obsession : la menace que fait peser l’islam sur la civilisation occidentale.
Elle qualifie aujourd’hui son livre de « sermon », d’appel à la conscience, écrit dans la colère pour le Corriere della Sera au lendemain de l’agression du 11 septembre. Et s’il lui arrive, parfois, de le « détester », c’est parce que son urgence l’a détournée de sa véritable tâche : le roman auquel elle travaille depuis des années et qu’elle craint de ne pouvoir achever. « Je suis vieille [72 ans] et j’ai un cancer [du sein, diagnostiqué il y a dix ans]. Je risque de mourir sans finir ce maudit roman. Or je veux le finir, c’est ce qui m’importe dans la vie. »
De ce livre, qu’elle nomme son « enfant », elle dit qu’il est « comme quatre romans », mais, « superstitieuse », refuse de s’expliquer davantage. Puis, elle réitère rageusement que toute tentative pour la faire taire la rendra plus virulente encore. Elle aime aussi, pour la vivacité de son caractère, se comparer à Emily Brontë, la grande romancière britannique, auteur des Hauts de Hurlevent : « Elle est morte debout, dans sa cuisine, en épluchant des pommes de terre. Je mourrai aussi debout, je l’espère, avec cette même voix. Mais si je meurs quand mon livre sera fini et que j’aurai pu en voir au moins une fois les épreuves, vous pourrez dire : « Fallaci est morte de bonheur. » »

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