21 janvier 1976 – Deux oiseaux blancs s’envolent

Publié le 21 janvier 2003 Lecture : 3 minutes.

Il est 12 h 40, ce 21 mars 1976, quand un Concorde de British Airways quitte le satellite de l’aéroport de Londres-Heathrow pour son premier vol commercial. Destination : Bahreïn. À la même seconde, un Concorde d’Air France roule sur la piste de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. À son bord, outre les officiels, soixante Français (dont la doyenne, Aurélie Ouille, est âgée de 82 ans), huit Américains, six Allemands, quatre Italiens, deux Espagnols, deux Scandinaves et un Suisse, qui ont réservé leur place depuis plusieurs années sur ce vol à destination de Rio de Janeiro, avec escale à Dakar, où le président Léopold Sédar Senghor les accueille en grande pompe.
Au moment où les deux formidables oiseaux blancs quittent le sol européen pour un vol magique à deux fois la vitesse du son (2 200 km/heure), tout le monde sait déjà que Concorde a perdu la partie. Non, ce programme aéronautique franco-britannique lancé en 1962 ne sera pas équilibré « ric-rac », comme l’espérait le général de Gaulle. Les dix-sept compagnies aériennes qui en avaient commandé quatre-vingts exemplaires se sont désistées les unes après les autres, effrayées par l’appétit d’un avion qui dévore quatre fois plus de kérosène par passager qu’un avion classique. Depuis le choc pétrolier de 1973, l’heure est aux économies de carburant.
D’autre part, les autorités américaines sont devenues sensibles aux revendications des écologistes. En 1971, ceux-ci avaient obtenu l’abandon du programme de supersonique de Boeing et de General Electric, ainsi que l’interdiction de survol du territoire américain par les vols supersoniques, à cause du « bang », cette onde de choc de 40 km de large que provoque sous l’avion le franchissement du mur du son. Trop coûteux et trop bruyant : les arguments ont fait mouche.
En 1977, au terme de plusieurs années de procédures, British Airways et Air France parviendront à faire atterrir Concorde aux États-Unis, qui étaient la destination et le marché visés par ses constructeurs, mais le mal était fait : dès 1974, Londres et Paris avaient décidé de ne construire, en plus des quatre prototypes et des avions de présérie, que huit appareils pour British Airways et huit pour Air France. Les avions britanniques assureront des liaisons avec le Golfe, l’Australie et Singapour, et les avions français avec Rio, Caracas et Mexico, via Washington. Pourtant, au fil des années, la rationalité économique imposera de réserver le supersonique à la traversée transatlantique et à New York, où, depuis vingt-cinq ans, il se pose plusieurs fois par jour en provenance de Londres et de Paris.
Le bilan du Concorde est contrasté. À son passif, un coût équivalant à 3 milliards d’euros, dont la France et la Grande-Bretagne ne récupéreront rien, puisqu’elles ont fait cadeau des seize appareils à leurs compagnies nationales respectives. À son passif encore, un seul accident, mais qui a entraîné la mort de cent treize personnes, le 25 juillet 2000, au décollage de Paris. Le Concorde rénové vole à nouveau, après avoir été cloué au sol pendant de longs mois.
À son actif, le « rétrécissement » de la planète dont il est à l’origine. Car ce phénomène ne met que 3 h 35 pour relier Paris à New York, contre 7 h 45 pour les Boeing 747. Par ailleurs, il a joué un rôle de pionnier en matière de technologie. Il a été le premier appareil contrôlé par ordinateur, le premier à disposer de commandes électriques, le premier enfin à utiliser des matériaux composites. Il permet à cent passagers en costume de ville de voyager à deux fois la vitesse du son, alors que, seul à bord, un pilote de chasse est contraint de porter une combinaison pressurisée pour réaliser une performance comparable !
Mais le plus grand mérite de cet avion d’exception construit par Aérospatiale, British Aerospace, Rolls Royce et Snecma est d’avoir inauguré une coopération internationale en matière d’aéronautique civile et militaire. Britanniques et Français ont appris à travailler ensemble et à convertir leurs centimètres en pouces, et vice versa. Concorde a procuré à l’Europe un savoir-faire essentiel. En ce sens, il est bien le père des Airbus qui sont aujourd’hui en passe de damer le pion aux Boeing.

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