Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Bienvenue à la France, si
En marge du dernier sommet Afrique-France, on s’est demandé « si l’Afrique d’aujourd’hui a besoin de plus ou de moins de France ». Le président malien Amadou Toumani Touré, organisateur de ce sommet, a relevé le caractère paradoxal de cette question, en affirmant que lorsque la France se fait discrète, on crie à l’abandon, et quand elle intervient, on dit qu’elle s’ingère dans nos affaires et viole notre souveraineté. Et d’ajouter, comme s’il voulait prendre parti pour son hôte de l’Élysée : « Il appartient désormais aux Africains de dire ce qu’ils veulent réellement. »
Personnellement, je pense que la question est mal posée. De nos jours, nul ne peut raisonnablement remettre en question la mondialisation de la diplomatie et des échanges, c’est pourquoi la France doit continuer à entretenir des relations avec l’Afrique, avec laquelle elle partage un héritage historique. Nous, les Africains, devons être considérés sur un pied d’égalité avec les autres habitants de la Terre. Partant, la France sera toujours la bienvenue en Afrique et nous apportera son savoir-faire technologique, son expérience séculaire d’organisation sociétale, ce dont nos jeunes nations ont justement besoin pour leur développement.
Si, en revanche, en raison de son passé colonial, elle continue à considérer nos États non comme de vrais partenaires mais comme son arrière-cour, alors elle doit être persona non grata sur tout le continent. C’est hélas ! la tendance aujourd’hui, au vu de la loi qui encourage l’enseignement du « rôle positif » de la colonisation outre-mer, oubliant que l’écriture de l’histoire est l’affaire des seuls historiens. Combien de guerres en Afrique portent les stigmates de la France, sur fond du conflit d’intérêts avec les autres grandes puissances, notamment les Anglo-Saxons, pour le contrôle des richesses du sol et du sous-sol, de connivence avec nos dictateurs dont le seul but est de pérenniser leur pouvoir ? Le sang africain continue à couler à cause des manipulations par la France des acteurs politiques locaux, dans son seul intérêt. Que dire des sommes d’argent colossales soustraites mafieusement des finances publiques de nos États si pauvres, afin de financer la vie politique française si riche, au grand dam de nos peuples.

Des excuses pour la colonisation
En tant qu’Africain, je suis lassé d’entendre mes compatriotes se plaindre de la colonisation et de ses maux toujours visibles. Pourtant, je suis d’accord avec eux, car la colonisation n’a pas été bénéfique. Les pays coupables devraient officiellement nous faire des excuses, nous rendre une partie des richesses volées et organiser la commémoration de l’abolition de l’esclavage. J’invite tous les Africains et autres voulant agir en ce sens de bien vouloir visiter le site Internet www.orgsites.com/az/freeourafricanminds afin de contribuer à ce que ces pages soient définitivement tournées.

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Le Rwanda déchaîne les passions
Une enquête d’une juge française, trois livres publiés simultanément, dont un signé par un transfuge de l’armée patriotique rwandaise, et la guéguerre franco-rwandaise redémarre. Les esprits s’échauffent dès qu’on évoque le dossier ultrasensible de l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana. Qu’on nous cache la vérité sur cet acte ignoble est une chose, ce ne sera pas le premier assassinat politique resté non élucidé, mais qu’on n’oublie pas que des milliers d’innocents ont été massacrés après ce meurtre et, ça, c’est la vérité.

Du malheur d’être une femme
J’ai lu avec attention et intérêt la chronique intitulée « Pleurez, musulmanes », (voir J.A.I. n° 2342). Même si l’islam est souvent caricaturé, il ne faut pas occulter ses nombreuses dispositions discriminatoires à l’égard des femmes. Le mariage forcé est, hélas ! une triste réalité subie par de nombreuses Algériennes et Marocaines. Certaines ont témoigné de leur calvaire (Djamila Aït Abbas, etc.). Faut-il qualifier les témoignages de ces souffrances de « chasse à l’islam » de la part d’éditeurs qui ne voient en « Allah qu’un misogyne accompagné de fatmas martyres » ?
Vous avez la chance de vivre dans un État de droit. Le code de statut personnel tunisien vous protège en tant que femme et citoyenne. Mais, l’Algérienne subit encore, au nom de l’islam, la loi du tutorat, du divorce par khül et de la polygamie. La condition de la Saoudienne est-elle plus enviable ? La musulmane qui n’enfante pas de garçons est exhérédée [déshéritée, NDLR] dans presque tous les pays musulmans. En 1991-1992, en Algérie, une femme magistrat a failli être renvoyée devant ses fourneaux à cause d’un hadith que les islamistes de l’ex-FIS sortaient de son contexte : « Un peuple dirigé par une femme ne connaîtra pas la prospérité. » Les islamistes ont perdu et il y a actuellement 572 femmes juges en Algérie. L’association Ni putes ni soumises a le mérite de se battre contre le machisme justifié par l’islam. Les « tournantes » dans les cités, les violences conjugales justifiées par un verset coranique (sourate IV « Les Femmes », verset 324) il y a beaucoup à faire.
Le vrai débat n’est pas de s’insurger contre la condition de la musulmane en dénonçant celles qui se battent contre l’inégalité contenue dans l’islam, mais d’encourager une relecture du Coran sans passion mais sans concessions. Nous n’en pouvons plus d’être coupées en rondelles : majeures et citoyennes lorsqu’on a besoin de nos voix ; mineures le reste du temps.
Ce combat contre les discriminations ne peut être mené que par les femmes elles-mêmes. Si j’étais homme et musulman, je ne souhaiterais absolument pas que les choses changent. Alors oui, si nous devions pleurer, ce ne serait pas à cause de ces ouvrages que vous trouvez trop nombreux et excessifs, mais plutôt en raison de la triste condition qui nous est faite tant par les États que par les sociétés.

Hommes politiques et banlieusards
Il me paraît évident que les hommes politiques français de ces trente dernières années, toutes tendances confondues, sont responsables des événements survenus dans les banlieues. Ils sont déconnectés de la réalité. Il n’est pas nécessaire qu’ils quittent les beaux quartiers pour les nouveaux ghettos, où se côtoient des individus de toutes origines exclus de la croissance économique. Il suffit qu’ils se plongent dans les romans de Thierry Jonquet, comme À ma mère ou Le Bal des débris. L’auteur y analyse avec lucidité et humour la descente aux enfers dans les quartiers difficiles de France.

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