Tournée africaine de Mike Pompeo : « La priorité des États-Unis est de contrer la Chine et la Russie »
Sénégal, Angola puis Éthiopie. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo vient de boucler une courte tournée africaine. Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, c’est la première fois qu’un officiel de ce niveau se rend sur le continent pour une visite officielle. Décryptage de Folashadé Soulé, chercheure associée à l’université d’Oxford.
Beaucoup pensaient que, pour sa première visite sur le continent, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo atterrirait à Lagos ou Accra, partenaires traditionnels de Washington. Le secrétaire d’État américain a finalement déjoué les pronostics et opté pour le Sénégal, l’Angola et l’Éthiopie, au cours d’une mini-tournée marathon du 15 au 19 février. Depuis l’accession de Donald Trump à la Maison Blanche, c’est le dirigeant américain le plus important à mettre officiellement le pied en Afrique.
Arrivé à Dakar samedi dernier, l’ancien patron de la CIA a été chaleureusement accueilli par le président Macky Sall et son homologue Amadou Ba, ministre sénégalais des Affaires étrangères. Sujet du jour : l’annonce d’un probable retrait des forces armées américaines du Sahel. Sur ce point, Mike Pompeo s’est voulu rassurant, insistant sur le fait qu’aucune décision n’avait, pour le moment, été prise. « Je suis convaincu que quand nous aurons terminé cet examen, nous en discuterons, non seulement avec le Sénégal, mais tous les pays de la région. Nous discuterons des raisons de ce que nous faisons, de la manière dont nous le faisons, et nous parviendrons à un résultat qui marche pour tout le monde », a déclaré le secrétaire d’État américain.
Mais, comme ce fut le cas ensuite en Angola et en Éthiopie, Mike Pompeo a très vite évacué les questions politiques et sécuritaires pour se concentrer sur les questions économiques. Au Sénégal, il a parachevé la signature de cinq protocoles d’accords économiques, dont celui portant sur la construction de l’autoroute Dakar-Saint Louis, confié à la société Bechtel, premier groupe de travaux publics américain.
En Angola, après avoir vanté les efforts du président João Lourenço en matière de lutte contre la corruption, le secrétaire d’État américain a – sans jamais la nommer explicitement – vivement critiqué la politique diplomatique et économique chinoise sur le continent. « Quand nous venons, nous embauchons des Angolais. Nous faisons un travail de bonne qualité. Toutes les nations qui viennent investir en Angola ne font pas cela », a-t-il notamment lâché lors d’une conférence de presse. Un message désignant clairement Pékin, mais aussi Moscou.
Folashadé Soulé, chercheure associée à l’université d’Oxford (School of Government), spécialiste des rapports entre l’Afrique et la Chine, revient pour Jeune Afrique sur les enjeux de la visite du responsable diplomatique américain.
Jeune Afrique : Pourquoi Mike Pompeo a-t-il choisi le Sénégal, l’Angola et l’Éthiopie pour sa première visite officielle sur le continent, selon vous ?
Folashadé Soulé : Ces trois pays constituent des choix stratégiques à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il faut rappeler que la Chine est massivement présente dans ces trois pays.
Pour l’Éthiopie, c’est évident. Le pays affiche des taux de croissance parmi les plus élevés en Afrique (7,4%) et est engagé dans une transformation économique et structurelle qui attire les investisseurs, notamment américains. C’est aussi l’un des pays où la Chine est le plus présente, dans de nombreux secteurs. Le repositionnement des États-Unis en Éthiopie est éminemment stratégique dans le contexte global de compétition des grandes puissances en Afrique.
Quant à l’Angola, ses ressources naturelles – pétrolières, gazières ou minières – intéressent beaucoup les Américains.
Le choix du Sénégal, lui, peut s’expliquer par l’attrait, son attractivité pour les investisseurs étrangers, avec notamment la manne que peuvent représenter les chantiers menés dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE). Par ailleurs, le Sénégal fait figure de modèle de démocratie et de stabilité dans la région. Et sur le plan sécuritaire, Washington souhaite faire du Sénégal un partenaire stratégique dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.
Donald Trump n’a jamais fait de l’Afrique sa priorité. Il a même parfois utilisé des propos injurieux vis-à-vis du continent, de ses dirigeants ou de ses habitants. Pourquoi afficher cette volonté de rapprochement, maintenant, à huit mois de l’élections présidentielle aux États-Unis ?
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