Trois histoires,trois succès
Artiste, politicien, banquier Des parcours qui illustrent l’ouverture de la société belge aux enfants de l’immigration.
Gabriel Wadigesila
Du jazz (congolais), ou rien !
Les enfants du Congo-Kinshasa ne sont pas tous « accros » du ndombolo ou de la rumba !
Gabriel Wadigesila a choisi le jazz. En 2003, il a brillamment réussi le concours du Conservatoire royal de musique de Bruxelles, en raflant la première place de la section jazz. Il fait donc partie des très rares Africains admis dans la prestigieuse institution.
Et il est le premier Congolais à en suivre les cours de jazz, en troisième année aujourd’hui.
La musique, surtout le jazz, c’est toute sa vie. « Ma mère chantait dans une chorale. Mon père jouait de l’orgue et de l’harmonium à l’église et mes aînés de la guitare. » À Kinshasa, il s’est frotté très tôt, en autodidacte, au solfège. Ce qui n’est pas vraiment la règle au pays. « Nous n’avons pas de tradition d’écriture et de lecture musicales », confie-t-il.
« Gaby », pour les amis, ne se limite pas à la théorie. À Kinshasa, qu’il a quitté en septembre 2003, il se produisait avec son groupe, Kinjazza. Il a aussi rencontré des grands comme Lokwa Kanza, Bibi Louison, Rido Bayonne. Avec l’appui du centre Wallonie-Bruxelles, Gabriel a même créé, à Kinshasa, le « Gab’s Jazz Club » pour y former les jeunes au solfège et à l’harmonie. De ce projet est née, en 2001, la Semaine kinoise du jazz. « Il y a eu trois éditions. Des professeurs belges venaient pour des master-class ». Aujourd’hui, Gabriel participe à des concerts avec différents groupes, en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Il se sent capable de jouer avec n’importe quelle formation, américaine, africaine ou européenne. Mais son avenir est en Afrique. En tout cas, même dans le jazz, il privilégie toujours le côté africain. « C’est de l’Afrique que vient le jazz », dit-il.
Bertin Mampaka
Des faubourgs de Kin à la Grand-Place
Bertin Mampaka est le premier échevin d’origine congolaise de Bruxelles-Capitale. Ses bureaux sont situés dans un des plus beaux immeubles de Bruxelles, l’hôtel de ville au cur de la Grand-Place. Également député du Centre démocrate humaniste (CDH), l’homme éprouve une joie communicative à remplir ses missions à la mairie et à passer ses fins de semaine sur le terrain, pour mobiliser les militants. « C’est le moment de tout donner. Nous n’avons plus que deux ans avant les élections. »
Il est en charge de la propreté, des propriétés communales et des sports, des fonctions qui lui permettent d’être très connu du grand public. « Je gère, par exemple, toutes les grandes manifestations sportives au niveau national. Les gens me reconnaissent car
j’apparais régulièrement aux côtés des Diables rouges, l’équipe nationale », explique-t-il. Mais il ne néglige pas pour autant de régler les problèmes quotidiens, comme la question des ordures, le financement des clubs de sport ou encore la très délicate gestion
des logements et des commerces.
Né le 6 avril 1957 à Kinshasa, d’un père parlementaire lui-même fils de chef de village, Bertin Mampaka est arrivé en Belgique à l’âge de 22 ans. « Mon père, contraint à l’inactivité par des ennuis de santé, ne m’a plus envoyé d’argent. J’ai dû travailler pour
finir mes études », se souvient-il. Étudiant à l’université de Mons dans la journée, plongeur le soir dans un restaurant, il obtient une licence en sciences économiques en 1984 et revient dans son pays natal pour prendre un poste de direction au sein de British American Tobaco. En 1990, il fait le voyage inverse et se lance dans la politique en devenant vice-président de la représentation du Parti démocrate social-chrétien (PDSC) du Congo pour le Benelux. Avant d’intégrer le Parti social-chrétien en 1994, qui deviendra le CDH en 2000.
Bertin Mampaka, qui avoue sans honte surfer sur le vote ethnique, s’intéresse de très près au déroulement de la transition congolaise. Ses détracteurs lui reprochent même de récupérer les manifestations des immigrés congolais de Belgique touchant à la RDC et de jouer le jeu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi, écarté du gouvernement de réconciliation. Marié et père de deux enfants, s’il ne se voit pas jouer un rôle politique immédiat dans son pays d’origine, il se projette dans le cadre de l’aprèstransition : « Je n’ai que 48 ans. Ma carrière est en plein développement et mon expérience pourra être un jour bénéfique à l’Afrique. »
Mostafa Ouezekhti
Retour d’un politique à la finance
« Je suis revenu à mes premières amours. » Après une longue parenthèse politique, Mostafa Ouezekhti a rejoint BIO, une société d’investissement parapublique dont la vocation est de financer les petites et moyennes entreprises dans les pays du Sud. Un défi à la mesure de ce Marocain d’origine qui a quitté Tanger en 1963, à l’âge de 4 ans. Au début des années 1980, licencié en sciences économiques, il fait ses armes pendant six ans à la banque Bruxelles Lambert (BBL), depuis fusionnée avec le groupe néerlandais ING. En 1987, il crée les premières implantations de la marocaine Wafabank en Belgique, avant de rejoindre le siège du groupe au Maroc, en 1989. Six mois plus tard, il prend la direction marketing de la Compagnie marocaine de navigation (Comanav). De retour à Bruxelles en 1992, il se lance en politique. Président du Football Club Atlas, composé principalement de jeunes d’origine marocaine, il jouit déjà d’un fort capital de sympathie. Il est élu député en 1995 sur la liste écolo du Conseil régional bruxellois. Il adhère au Parti réformateur libéral (PRL) en 1998, devient le sherpa de Louis Michel pour la politique internationale, particulièrement le monde arabe, et accède à la vice-présidence du parti en mars 2000. Battu aux élections de 2004, il décide de prendre du recul et quitte la politique. Ce qui ne l’empêche pas de participer aux débats de société en tant que président administrateur délégué de Contact-Inter, la radio beur de Bruxelles. Un média qui émet en français et en arabe et qui connaît un grand succès auprès de la communauté maghrébine.
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