Raisons d’espérer (II)

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Ceux d’entre vous qui ont lu le « Ce que je crois » de notre précédente livraison savent que j’ai annoncé, pour ce numéro de Jeune Afrique/l’intelligent, mon « évaluation de ce que l’année 2005 qui s’achève aura apporté de positif au reste du monde ». En effet, plus encore qu’à l’Afrique, 2005 a donné à l’ensemble du monde de très bonnes raisons d’espérer. Je n’en citerai ci-dessous que les plus significatives.

1. L’inflation. Ce fléau du XXe siècle a contribué à appauvrir les pauvres et à enrichir les riches, ou à donner à beaucoup l’illusion de la richesse.
N’ayant pas vécu cette infortune, la plupart des plus jeunes n’ont pas une idée précise de ses méfaits ; les autres se souviennent avec effroi de la course sans fin que l’inflation a engendrée entre les revenus de chacun et les prix de tous les biens, les premiers toujours en retard sur les derniers, perdants assurés de la course.
L’inflation était devenue une drogue de l’économie, et il a fallu beaucoup de courage et de savoir-faire aux responsables des équilibres macroéconomiques, aux chefs d’entreprise et aux syndicalistes pour, de concert, en désintoxiquer la planète.
Les économies de certains pays moins développés souffrent encore du fléau de l’inflation et ne sont pas parvenues à se sortir de cette « spirale maléfique ». Mais, à l’échelle mondiale, le mal paraît jugulé, et l’année 2005 donne le sentiment de nous en avoir guéris.

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2. La guerre. Il y a mille jours, sans mandat international, parce que ses dirigeants en avaient décidé ainsi et qu’aucun autre pouvoir ne pouvait s’y opposer, les États-Unis ont utilisé leurs énormes moyens militaires et financiers pour envahir un pays membre des Nations unies afin d’en remplacer le régime, jugé hostile, par un autre à leur convenance.
La « promenade militaire » s’est muée peu à peu, pour l’occupant, en un semi-désastre dont, en cette fin d’année 2005, la plus grande puissance de tous les temps cherche à se sortir en limitant les dégâts.
En 2003 et 2004, souvenez-vous, elle menaçait l’Iran, la Syrie et, plus généralement, ceux qui avaient le malheur de la contredire, de les traiter comme l’Irak.
Et nous tremblions tous de la voir mettre ses menaces à exécution.
Qui croit en 2005 qu’elle en a encore les moyens ? Si Mao Zedong était encore parmi nous, il évoquerait sans doute à nouveau des « tigres de papier »…
Il y a trente ans, au Vietnam, les États-Unis avaient été défaits par la résistance d’un peuple qui n’a jamais accepté d’être envahi et occupé.
En 2005, en Irak, ils sont mis en échec par une partie d’un autre peuple qui, lui non plus, n’a jamais supporté l’occupation étrangère.
C’est une bonne chose : le pays de George W. Bush en sera désormais plus sage et plus modeste.

Aussi va-t-en-guerre qu’ils soient, les dirigeants américains actuels se retrouvent d’ores et déjà obligés d’écouter, sans protester, un homme qui n’a été réélu à la tête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) que parce qu’ils n’ont pas pu l’en empêcher. Mohamed el-Baradei, à qui, comme pour leur déplaire, a été décerné le prix Nobel de la paix, a profité de sa nouvelle notoriété pour admonester publiquement les États-Unis : « Nous ne pouvons pas lutter contre la prolifération nucléaire avec l’efficacité recherchée si vous-mêmes (et les quatre autres puissances nucléaires) ne tenez pas l’engagement que vous avez pris de diminuer significativement votre arsenal nucléaire. Vous devez tenir cet engagement et réduire encore le nombre de vos ogives… »

3. L’apaisement. Sur ce même terrain de « guerre et paix » et d’armement nucléaire, l’année 2005 a apporté une extraordinaire avancée dont les héros inattendus sont l’Inde et le Pakistan. Depuis leur accession simultanée à l’indépendance en 1947, ces deux grands pays asiatiques, que la géographie a faits voisins, se comportaient en frères ennemis. Ayant acquis tous deux le statut de puissance nucléaire, ils se menaçaient mutuellement de guerre atomique, ce qui faisait trembler le monde.
Eh bien, c’est en cette année de 2005 qu’ils ont décidé de renoncer à l’épreuve de force pour rechercher, entre eux, l’entente et la coopération.
J’imagine qu’ils en viendront, tôt ou tard, à emprunter le chemin pris, il y a un demi-siècle, par la France et l’Allemagne : celui du rapprochement, de la marche vers l’union économique, ou même politique.
Je pense qu’il sera question, d’ici à quelques années, d’une Union indo-pakistanaise et que cela paraîtra aussi normal que d’entendre parler aujourd’hui d’Union européenne.
L’Inde et le Pakistan, c’est plus de 1,2 milliard d’êtres humains, 20 % de la population mondiale et plus de deux fois celle de l’Europe des Vingt-Cinq !
Qu’ils soient passés en 2005 de l’affrontement à un début de rapprochement est un événement à marquer d’une pierre blanche.

4. Le renouvellement. Les Africains, eux, ne le sentent pas encore, ou très peu, parce que les économies de leurs pays sont en stagnation. Mais, sur tous les autres continents, la pauvreté extrême recule comme jamais auparavant dans l’Histoire. Parallèlement, la liberté et l’éducation progressent.
John Kay, éditorialiste du Financial Times, le confirme :
« Plus d’êtres humains ont échappé à l’extrême pauvreté au cours des dix dernières années qu’au cours d’aucune autre décennie de l’Histoire ; c’est principalement la conséquence de la forte croissance économique de la Chine et de l’Inde.
Les contributions des pays riches à cette évolution ont été apportées d’abord par le commerce et l’investissement, pas par l’aide ; les dirigeants mondiaux n’ont joué qu’un rôle mineur dans le processus.
La leçon est que la pauvreté mondiale sera éliminée par l’action des pays pauvres eux-mêmes.
Si les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) de l’ONU concernant l’éradication de la pauvreté sont atteints, ce sera grâce aux pauvres, pas grâce aux riches, et grâce aux individus, pas aux hommes politiques. »

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Même si les hommes politiques ont moins de pouvoir et moins d’influence sur cette évolution que nous ne le pensons, ils jouent un rôle qui peut être bénéfique ou néfaste.
La dernière de ces bonnes nouvelles que nous aura apportées 2005 est que beaucoup de ceux dont le rôle nous paraît néfaste ont déjà fait l’essentiel de leur parcours.
Parce qu’ils sont usés et que le pouvoir leur échappe, ou bien parce que leur mandat s’achève, ils vont quitter la scène.
Nous n’en dresserons pas la liste, car chacun de nous est en mesure, s’il le souhaite, de constituer la sienne. Adonnez-vous à cet exercice et vous verrez que 2005 annonce, pour 2006 et 2007, un renouvellement assez large de la classe politique.
Sur tous les continents, y compris l’Afrique.

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