Quand l’Afrique se réveillera

Robert Guest expose les méfaits de la corruption qui gangrène le continent. Et explique comment le libérer des chaînes de la pauvreté.

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le livre que vient de faire paraître Robert Guest, principal animateur des pages africaines de l’hebdomadaire international The Economist, mérite toute notre attention.
L’auteur n’est pas africain, mais il a pour ce continent intérêt soutenu et sincère proximité. Il apparaît surtout comme un observateur exigeant et ouvert, qui a perçu beaucoup de comportements dont nos regards se détournent trop facilement. En lisant The Shackled Continent, le responsable politique africain – qu’il soit au gouvernement ou dans l’opposition – réapprendra à s’interroger sur son degré de connaissance réelle du pays ou du peuple qu’il prétend ou aspire à diriger. Il sera conduit à s’interroger sur ses propres responsabilités et il peut surtout, en réfléchissant au sort de certains qui l’ont précédé – Mobutu par exemple, ou même Chiluba, qui vit encore – se demander à quoi cela sert d’user du pouvoir politique pour en « crever bêtement » ou pour se retrouver vivant, privé de toute dignité.
L’auteur expose en effet dans son livre, fort bien documenté, les méfaits de la corruption qui gangrène les économies et les sociétés africaines. Le récit de son voyage sur une route du Cameroun dans un camion de livraison de bière est tout à fait pathétique et illustre parfaitement le cancer qui a pris racine non seulement dans les cercles du pouvoir, mais aussi dans les milieux les plus ordinaires de l’administration, de la police ou des services sociaux.
Avec Robert Guest, le lecteur se posera la question de savoir pourquoi le sort de plusieurs anciennes colonies comme la Corée, la Malaisie, le Vietnam ou Singapour est si différent de celui d’anciens territoires dépendants comme ceux d’Afrique de l’Ouest ou le Zimbabwe, dont on est forcé de constater le déclin économique et social au vu des faits rapportés sans passion dans ce livre.
Pour que les Africains se retrouvent au carrefour des grands marchés de ce monde, ils ont besoin de routes, de ports et d’aéroports qui fonctionnent, tout comme d’hôpitaux et d’écoles qui sauvegardent la ressource humaine, richesse essentielle. Or ce sont les investissements pour les infrastructures et l’amélioration du capital humain qui manquent le plus sur le continent – sauf en Afrique du Sud et au Botswana, comme le note judicieusement Robert Guest. Et l’on demeure perdu dans un système où l’on se trouve contraint d’accepter le mal pour éviter le pire – l’exploitation pour gagner l’essentiel dont on serait privé, si l’on n’était pas exploité. Ainsi, l’auteur explique-t-il que l’apprenti chauffeur qui travaille dix-huit heures par jour, loin de sa famille, malgré le rhume, la toux et l’endémique paludisme, accepte cette condition qui lui permet de gagner un peu d’argent et lui donne l’espoir de conduire un jour un petit engin de transport…
Les ONG ont raison de lutter contre les céréales et autres produits génétiquement modifiés, mais peut-on les refuser dans tel pays en proie à la famine ? Si l’aide alimentaire ou l’importation de poulets congelés ne sont pas sans conséquences sur l’agriculture et l’économie de nombreux pays, ne sont-elles pas bénéfiques lorsqu’elles permettent de faire la différence entre la vie et la mort pour des milliers d’enfants abandonnés et des réfugiés sans ressource ?
Guest a néanmoins cherché l’espoir dans ce désert de lourdes anxiétés que devient le continent africain. Il trouve au Botswana un gouvernement démocratique, raisonnable et de bonne gestion. Hélas, la pandémie du sida empêche de se réjouir trop tôt, même s’il s’agit d’un cas qui éclaire comme une lampe dans la nuit…
Ce livre est à lire moins par ce qu’il nous apprend sur nous-mêmes que par la nécessité du sursaut qu’il suggère. On lira avec une réelle estime pour l’auteur les dernières pages de son oeuvre. On y découvre son humble appréciation de lui-même par rapport au sujet qu’il traite. Cela le rend plus proche et donc presque fraternel. On l’écoute alors volontiers. Sa conclusion est sans nuances et son verdict sans appel : la richesse se crée. Il n’y a pas de fatalité africaine dans des guerres absurdes, des gouvernements incompétents et corrompus, des comportements irresponsables de vie facile et de jouissance débridée. Depuis des siècles, nous rappelle Robert Guest, à travers toute l’humanité, se libérer, briser les chaînes, cela demande toujours une volonté, une décision et parfois… une révolution.

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