Le commerce selon Einstein…

Publié le 20 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Je fais un petit détour (mental) par Hong Kong et le sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Tout cela a l’air d’une affaire majeure. Donc, j’essaie de comprendre, de m’y retrouver dans la jungle des formulations : cycle de Doha, libéralisation, subventions, G8, G14… un vrai maquis. Une confusion phénoménale apparente qui cache une discussion de marchands de tapis. Voilà des ministres en costumes trois-pièces qui sont prêts à se battre pour préserver des acquis ou des quotas. Voilà des pauvres qui semblent bien décidés à ne pas se laisser définitivement tondre la laine sur le dos. Et voilà des riches qui paraissent s’intéresser au progrès des autres, mais qui, au fond, s’arc-boutent sur leurs privilèges.
En psychanalyse, on appelle cela « la pensée magique », c’est-à-dire la tendance à établir des liens de cause à effet là où il n’y en a absolument pas. La pensée magique consiste à croire possible un système équilibré où cohabitent des nations surpuissantes et riches (disons l’Union européenne, le Japon et les États-Unis), des nations émergentes
prêtes à tout pour élargir leur place au soleil (comme le Brésil, l’Inde, la Russie, la Chine) et des pays pauvres dont le seul espoir est de ne pas mourir tout de suite.
La pensée magique, c’est de nous faire croire justement que le Brésil ou la Chine sont dans la même situation que le Mali ou le Burkina. La Chine et le Brésil sont des acteurs majeurs, des concurrents directs du monde riche. Et aussi du monde pauvre. Ils s’en fichent du paysan sahélien, ils jouent solo
La pensée magique consiste à croire qu’il est possible de demander aux pays les plus pauvres, les plus démunis de faire le saut de l’ange au-dessus d’une piscine vide. C’est-à-dire d’ouvrir leurs marchés aux produits des pays riches au risque de liquider le peu d’industrie naissante dont ils disposent. D’accepter sans broncher les subventions
agricoles qui engraissent les grands producteurs occidentaux et qui torpillent les prix du coton ou du lait. D’accepter dans le même temps une réduction des flux de l’aide.
La pensée magique, c’est de nous faire croire que le marché peut tout résoudre. Imaginez un marché agricole ouvert, sans régulations. Imaginez les profits des quelques grands propriétaires fonciers. En Europe et aux États-Unis, la moitié des agriculteurs a déjà été « écrémée » et « recyclée ». La grande majorité de ceux qui restent vit avec un tout petit mieux que le Smic. Imaginez enfin le sort des 3 milliards de paysans pauvres qui peuplent notre planète. Imaginez le chaos qui suivrait
Le commerce et le développement, c’est comme le climat. Il faut changer de système, laisser tomber cette fiction que le marché, le capitalisme règle tous les problèmes. Il faut réintroduire un peu d’ordre et de stratégie dans les affaires du monde. Peut-être se poser la question de l’intérêt commun, avant que l’on ne soit submergé par des jacqueries mondiales.
J’ai lu, quelque part, une petite phrase d’Albert Einstein qui disait, je cite de mémoire : « Il n’y a qu’un esprit fou qui croit pouvoir arriver à un résultat différent, tout en utilisant encore et toujours les mêmes méthodes »

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