La porte de l’Afrique

Deuxième port d’Europe et huitième du monde, il est en revanche le premier, toutes cargaisons confondues, à destination du continent.

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Il est fréquent que le visiteur, même muni d’un plan détaillé, s’égare dans le port d’Anvers, qui s’étale sur plus de 35 kilomètres de long. Avec ses 127 kilomètres de débarcadères, ses 2 100 hectares de docks, ses grues immenses, ses ponts mobiles et ses écluses géantes, l’endroit a quelque chose de démesuré. Épine dorsale de l’économie belge, il ne cesse de s’agrandir depuis le début du xxe siècle vers le nord, en direction de la frontière néerlandaise, et vers la mer. Plus rien à voir avec le bassin naval que Napoléon voulait utiliser, il y a deux cents ans, pour conquérir le monde. De cela, il ne reste que le vieux port, qui accueille aujourd’hui les bateaux de plaisance et le siège de l’autorité portuaire. Pour le reste, Anvers est un port moderne dont la particularité est de se trouver à 88 km à l’intérieur des terres, au coeur de la Flandre. Les navires atteignent la mer via le fleuve l’Escaut.
L’Afrique, au coeur de l’histoire coloniale du pays, représente 15 % du trafic, mais l’Afrique du Sud 7 % à elle seule, l’Algérie, 4 %… et 4 % pour tous les autres pays africains, le Maroc, la Tunisie, la Côte d’Ivoire et le Sénégal constituant les principales destinations ! La République sud-africaine est une priorité de la coopération flamande, dont les industries gardent des liens particuliers avec celles appartenant à la communauté néerlandophone. Les cargaisons des navires à destination de l’Afrique sont principalement constituées de fret conteneurisé. Les bateaux reviennent chargés essentiellement de cacao, d’huile de palme et de bois tropicaux. Une trentaine d’armateurs desservent le continent, dont Delmas, Belgian Cargo Service et Asmar.
« Nous faisons 55 % du trafic conteneur européen vers le continent, ce qui nous place devant Rotterdam (16 %), Le Havre (12 %) Hambourg (8 %) et Brême (10 %) », explique Nico Vertongen, chef de cabinet de l’Autorité portuaire d’Anvers. Cet ancien coopérant qui a bourlingué en Afrique tient à faire valoir les atouts de sa ville : un personnel bilingue (français-anglais), une forte connaissance du marché africain et un long partenariat commercial avec les ports du continent. Globalement, le trafic vers l’Afrique est en légère augmentation. Si les chargements de vrac sont passés de 7,5 millions de tonnes en 2000 à presque 7,7 millions en 2004, le trafic conteneur est en plus forte progression : de 489 000 unités EVP (équivalent vingt pieds) à 581 000 sur la même période. Sans oublier, chaque année, plus de 60 000 voitures d’occasion en direction du Bénin et du Nigeria.
Mais Anvers doit aujourd’hui compter sur une concurrence de plus en plus poussée des ports chinois. L’an dernier, l’empire du Milieu a enregistré une croissance de 25 % du trafic total de ses ports (hors Hong Kong), qui a atteint 2,45 milliards de tonnes. Rotterdam et Anvers n’occupent plus dorénavant que les troisième et quinzième places dans le monde, respectivement, le numéro un mondial étant Shanghai, devant Singapour. « Le développement du tissu industriel en Chine, en Inde, au Vietnam, en Thaïlande et en Corée du Sud est une réalité. Il est donc normal que le trafic entre l’Extrême-Orient et le continent se développe à grande vitesse », reconnaît Nico Vertongen.
Le moral est toutefois toujours au beau fixe sur les quais d’Anvers. Le port a enregistré une croissance de 6,6 % en 2004. Pas de quoi s’inquiéter donc, d’autant qu’Anvers dispose toujours d’importants atouts géographiques, au coeur de l’Europe et de ses centaines de millions de consommateurs fortunés. Et puis, le deuxième port d’Europe est un grand hub et nombre de produits à destination de l’Afrique transitent préalablement par son bassin. Dernier argument, le Centre de formation international du port d’Anvers accueille de nombreux cadres africains qui viennent apprendre le « métier ». Les liens créés en ces occasions facilitent ensuite les démarches entre les opérateurs du continent et de l’autorité portuaire flamande.
Anvers est également sollicité pour accomplir des missions d’expertise et de conseil en Afrique. Actuellement, le port est impliqué dans un important projet de coopération avec son homologue de Matadi, en République démocratique du Congo (RDC). À la demande des autorités congolaises, une mission technique s’y est rendue en février 2004 pour faire un inventaire des infrastructures (quais, passe, matériel), de la gestion des activités et des liaisons avec la capitale, Kinshasa. Les conclusions sont assez édifiantes. Il y a des réparations d’urgence et des travaux de bétonnage à réaliser : le port est mal entretenu, ce qui rend le travail dangereux, et l’espace sur les quais est mal organisé, ce qui ne permet pas d’atteindre une bonne rentabilité. Au plan général, l’activité est encore gérée de manière très artisanale, ce qui entraîne de nombreux détournements et un manque à gagner pour les pouvoirs publics. « Nous sommes prêts à envoyer des experts pour remettre à niveau le fonctionnement du port si les autorités nous le demandent. La coopération belge et la Banque mondiale ont manifesté leur volonté de nous appuyer financièrement », indique le Dr Jan Blomme, directeur de la stratégie et du développement du port flamand. Avec une meilleure gestion, le port pourrait traiter entre 5 et 7 millions de tonnes par an au lieu de 1,3 million actuellement. À terme, Anvers pourrait entrer dans le capital de Matadi…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires