Frères musulmans : la métamorphose ?

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Ils s’en sont bien sortis. À l’issue des législatives égyptiennes, les Frères musulmans comptent 88 députés venus des quatre coins du pays des Pharaons, soit le cinquième des sièges de l’Assemblée du Peuple. Ils deviennent ipso facto la première force d’opposition parlementaire. À ce succès électoral s’ajoute la victoire en termes d’image. Le Dr Mohamed Saad Ketatni, Hussein Mohamed, Abdel Moneim Aboul Fotouh, Hamdi Hassan ou encore Mohamed al-Beltagui, qui font leur entrée triomphale au Parlement, bouleversent la perception que l’on avait, jusque-là, des membres de ce mouvement politico-religieux. Rasés ou la barbe finement taillée, ils sont souvent issus des filières scientifiques, manient bien l’anglais et parfois plusieurs autres langues étrangères. Rompus aux techniques de la communication, ils arborent souvent un sourire qui rompt avec la sévérité des têtes d’affiche de l’islamisme politique. Une évolution qui ne doit rien au hasard, mais résulte d’un travail méthodique et bien réfléchi. Comme l’indique Makram al-Deiri, l’unique « soeur » candidate aux législatives – et finalement battue dans son quartier huppé de Medinet Nasr, au nord du Caire -, tous les candidats des « Frères » qui en avaient besoin ont bénéficié « de sessions de formation intensive sur les techniques de communication, les stratégies de persuasion et l’art des négociations ».
Rien, donc, n’a été négligé pour réussir cette campagne de charme qui a amené les héritiers de Hassan al-Banna à abandonner l’idée d’instaurer une théocratie en Égypte. « C’est une idée révolue depuis le Moyen Âge », déclare Abdel Moneim Aboul Fotouh, qui ne cache pas sa fascination pour les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) turc de Recep Tayyip Erdogan et pour ceux de son homonyme marocain, connus les uns et les autres pour leur modération et leur pragmatisme. Même l’éternel logo de la confrérie, composé de deux sabres croisés, a été éclipsé – momentanément du moins – par un autre franchement plus attrayant : deux mains jointes autour d’une motte de terre où prend racine une pousse verte.
Est-ce du trompe-l’oeil ? C’est ce que laisse penser le magazine cairote Al Moussawar, qui a récemment publié un document secret du mouvement qui détaille les actions à entreprendre pour conquérir le pouvoir : rassurer les autorités, redorer son blason aux yeux de l’opinion publique et obtenir une légalisation. D’autres observateurs égyptiens soutiennent le contraire. Pour eux, les nouveaux choix des « Frères » ne sont pas tactiques, mais relèvent bel et bien du stratégique.

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