En toutes franchises

Les grandes enseignes françaises de cosmétique, de prêt-à-porter et de restauration s’installent progressivement dans la capitale.

Publié le 19 décembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Celio, Hippopotamus, Yves Rocher, Jacques Dessange… L’Algérien n’est plus tenu de se déplacer en France pour s’offrir quelques produits signés, inexistants en Algérie il y a encore trois ans. Désormais, pour peu que son portefeuille soit bien garni, il lui suffit de se rendre sur la grande avenue Smaïl-Hamdine, dans le quartier huppé d’Hydra, pour s’habiller Celio. Ou sur le célèbre boulevard Didouche-Mourad (ex-rue Michelet), à Alger, pour acheter de grands parfums, ou suivre une séance de soins corporels dans le centre Yves Rocher. Ou encore dans le quartier El-Hamma, non loin de l’hôtel international Sofitel, pour déguster un steak à la sauce béarnaise dans le nouveau restaurant ouvert par la chaîne Hippopotamus. Depuis trois ans, les grandes marques françaises de cosmétique, de prêt-à-porter et de restauration s’installent progressivement en Algérie grâce à la formule des franchises.
Avec une manne pétrolière qui avoisine 60 milliards de dollars, l’Algérie suscite de plus en plus l’intérêt des sociétés multinationales désireuses de proposer au consommateur algérien une large gamme de produits occidentaux. Avec une population de 32 millions d’habitants, le marché national reste l’un des plus attrayants d’Afrique du Nord. S’il est vrai que les dépenses des ménages n’ont guère progressé durant les douze dernières années, l’Algérien moyen demeure un bon consommateur : 50 000 dinars (environ 575 euros) de dépenses annuelles par personne et 330 000 dinars (3 800 euros) par ménage. « Le besoin de consommation accrue est un élément essentiel dans le développement des franchises en Algérie. La franchise permet au consommateur algérien d’acheter un produit de marque d’origine, étant assuré qu’il ne s’agit nullement d’une contrefaçon », affirme Jamel S., patron du magasin de prêt-à-porter Celio.
La franchise est un contrat entre une entreprise, le franchiseur, et des commerçants indépendants, les franchisés, par lequel le premier met à disposition une enseigne et un savoir-faire spécifiques, moyennant un droit d’entrée et/ou des royalties. Ce type de contrat permet à un producteur de développer un réseau de distribution sans investissement important, et permet aux franchisés de bénéficier d’une image, de produits, de conseils et de l’expérience d’une entreprise déjà implantée. La franchise française occupe la première place au niveau européen avec un chiffre d’affaires évalué à quelque 41 milliards d’euros en 2004.
« Contrairement à ce qui se passe chez les voisins marocains et tunisiens, la franchise reste à ce jour encore peu développée en Algérie. Le marché algérien est pourtant très porteur », indique un document élaboré en juillet 2005 par la mission économique de l’ambassade de France à Alger. Cette dernière considère que la période actuelle est « idéale pour les enseignes françaises qui veulent être pionnières en Algérie ». En dépit des droits de douane jugés trop élevés sur certains produits, et d’un cadre réglementaire contraignant – le législateur algérien n’a pas élaboré de texte de loi pour régir ce créneau d’affaires -, les premières expériences rencontrent un vif succès auprès du public.
Situé sur le boulevard Didouche-Mourad, les Champs-Élysées algérois, où le prix d’un loyer commercial peut atteindre 1 million de dinars par mois (environ 11 600 euros), le magasin Yves Rocher est l’une des premières enseignes franchisées autorisées à s’installer en Algérie. Ouverte en février 2002, la boutique appartient à une famille qui a investi dans le secteur de la pharmacie et du médicament. Sabrina, gérante de l’établissement, est une jeune blonde qui a fait ses classes à Marseille dans les magasins Yves Rocher. Pour elle, l’Algérie est un marché important. « Plus de la moitié de la population est constituée de femmes, explique-t-elle avec son accent marseillais. Certes, nous ne connaissons pas encore les réels besoins du marché algérien, mais je peux vous assurer que nous travaillons bien. Nous avons une bonne clientèle et nous faisons un très bon chiffre d’affaires, surtout pendant les grandes fêtes. » À combien s’élève le chiffre d’affaires d’Yves Rocher ? Motus et bouche cousue. En Algérie, il est rare que les entreprises acceptent de rendre public ce genre d’information. Les affaires marchent tellement bien que la marque possède aujourd’hui 11 magasins en Algérie, dont 5 dans la capitale, 2 à Oran et 1 à Hassi Messaoud, coeur de l’industrie pétrolifère algérienne. Là où précisément vit une très forte communauté d’expatriés, riches de surcroît.
Bienvenue chez Celio. C’est comme si vous étiez à Paris. D’une superficie de 200 m2, Celio a ouvert ses portes le 15 août dernier. Conçu selon les concepts de la chaîne en vigueur de par le monde, l’établissement s’adresse ici à une clientèle au pouvoir d’achat élevé. L’accueil est parfait et les vendeurs sont aimables. Si le client à l’embarras du choix, les prix ne sont pas à la portée de n’importe quelle bourse. Le blouson en cuir coûte 21 600 dinars (249 euros), le jean 4 000 dinars (46 euros) et la chemise 4 200 dinars (48 euros). « Beaucoup viennent par curiosité, juste pour regarder, déclare un vendeur. Mais nous avons de plus en plus de clients qui préfèrent dépenser plus chez Celio plutôt que d’acheter des contrefaçons importées de Turquie, de Syrie ou de Chine. » Le secteur de l’habillement est tellement porteur que les propriétaires du magasin envisagent de conclure de nouvelles franchises avec des marques qui proposent des vêtements pour enfants, du prêt-à-porter féminin, ainsi que de la lingerie.
Chez Complices, autre enseigne du prêt-à-porter située dans une grande artère du centre d’Alger, tout est agencé pour donner au client l’impression qu’il entre dans un magasin occidental. De grandes affiches publicitaires, bien sûr importées de l’étranger, sont disposées aux quatre coins de l’établissement, qui court sur deux étages. Des écrans télés diffusent en boucle des clips vidéo, et les employés, en tee-shirts frappés du logo de la marque, accueillent les clients avec un large sourire. Kamel, gérant du magasin, nourrit de grandes ambitions. « Nous avons ouvert notre première succursale en octobre 2004, précise-t-il. Le prix de la location est très élevé, mais nous n’avons pas de souci à nous faire. Nous avons mis les moyens pour ouvrir cette franchise et nous espérons amortir notre investissement dans trois ou quatre ans. Même si le pouvoir d’achat des Algériens reste encore faible, nous avons délibérément ciblé la classe moyenne. »
Autre créneau lucratif, le marché de la restauration. Dès son ouverture en mai 2005, Hippopotamus a fait sensation. Avec 350 places (sur une superficie de 600 m2), le restaurant a su attirer la clientèle algéroise ainsi que les étrangers de passage à Alger. Situé à vingt minutes de l’aéroport international d’Alger, le restaurant offre toutes les commodités. L’accueil est agréable, la nourriture de qualité – la viande est excellente et les sauces sont aussi savoureuses que celles qu’on sert dans les restaurants de France -, et les vins sont issus du terroir algérien. Le tarif moyen d’un menu est de 1 500 dinars (17 euros).
Couronnement du phénomène des franchises dans le pays : la capitale abritera, du 3 au 5 février 2006, le premier salon international de la franchise en Algérie. On annonce la venue de 5 000 visiteurs professionnels. Les capitaux de départ existent, et des locaux commerciaux, idéalement situés, sont déjà prêts à accueillir les nouvelles enseignes.

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