Henri-Claude Oyima : « L’expansion de BGFI Bank passera par une série d’acquisitions »

Le patron gabonais énonce les principaux axes de son nouveau plan stratégique. De la banque de détail aux assurances, l’année 2014 promet son lot de surprises.

Henri-Claude Oyima est diplômé de l’American University de Washington (USA). © Bruno Lévy/J.A.

Henri-Claude Oyima est diplômé de l’American University de Washington (USA). © Bruno Lévy/J.A.

Publié le 17 juin 2014 Lecture : 5 minutes.

Malversations et fraudes au Gabon et au Bénin, suivies du limogeage des dirigeants des filiales concernées, rumeurs sur son possible départ… Ces deux dernières années ont été agitées pour Henri-Claude Oyima, 57 ans, PDG de BGFI Bank, premier groupe financier d’Afrique centrale. Mais après une année 2013 en demi-teinte, marquée par une baisse des bénéfices et une faible augmentation du produit net bancaire, le patron l’assure : que ce soit dans la banque ou dans l’assurance – un secteur dans lequel il a récemment fait ses premiers pas -, l’heure est à la reprise.

La dernière vague d’expansion à peine digérée, il n’est pour l’heure pas question d’ouvrir le capital pour financer la prochaine : celle-ci se fera sur les propres ressources de BGFI. En 2010, le patron déclarait vouloir être présent dans quinze pays en 2015. Aujourd’hui actif dans neuf États africains (Bénin, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Madagascar, RD Congo et São Tomé-et-Príncipe), atteindra-t-il cet objectif dans les temps ?

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Propos recueillis par Nicolas Teisserenc

Jeune Afrique : En 2013, pour la première fois depuis longtemps, la croissance de vos revenus a ralenti et vos profits ont baissé. Que s’est-il passé ?

Henri-Claude Oyima : Les revenus sont conformes à notre plan stratégique Cap 2015. L’année 2013 devait être un moment de consolidation des acquis. Sur la base du développement très fort de 2010 à 2012, avec l’ouverture de six filiales, il était prévu de faire une pause pour digérer. La croissance du PNB [+ 2,8 %] est modérée, mais les fondamentaux sont bons : la rentabilité des fonds propres, le coefficient d’exploitation et le ratio de solvabilité. Nous avons renforcé les systèmes d’information, la gouvernance, les ressources humaines et la maîtrise du risque. Nous allons pouvoir reprendre le mouvement en 2014.

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En quoi cela consistera-t-il exactement ?

Nous avons défini notre stratégie selon quatre zones : le Gabon, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest et l’Europe. Nous avons prévu de reprendre notre développement dans ces deux régions dès cette année. Il nous manque quelques pays en Afrique centrale, comme l’Angola, le Burundi et le Rwanda.

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Et dans le cadre de notre nouveau plan, Excellence 2020, nous n’excluons pas les pays anglophones, notamment le Ghana et le Nigeria. Jusqu’à présent, nous nous sommes développés par création de filiales ; désormais nous allons aussi procéder à des acquisitions sur les marchés à fort potentiel, où nous voulons gagner du temps. Étant donné que nous souhaitons être en tête de classement dans nos pays d’implantation, nous viserons des cibles dans le top 5 de ces marchés.

Vous évoquez le plan Excellence 2020. De quoi s’agit-il ?

Nous nous consolidons sur quatre axes : le commercial, les ressources humaines afin d’attirer les meilleurs talents – c’est la raison pour laquelle nous avons créé BGFI Business School -, l’organisation afin d’avoir de bonnes procédures, et la prévention des risques.

Et sur le plan stratégique ? La banque de détail vous intéresse-t-elle ?

Nous avons évolué. Nous ne sommes plus une banque, mais un groupe financier qui recouvre quatre métiers complémentaires : la banque commerciale, la banque d’investissement, les services financiers spécialisés et l’assurance. Il est vrai qu’en termes de banque commerciale, notre coeur de métier est dans le corporate. Mais nous avons compris que l’éclosion de la classe moyenne nécessite le développement de la banque de détail.

Par ailleurs, nous avons signé un partenariat avec le groupe Ogar [dont Henri-Claude Oyima préside le conseil d’administration] pour créer Ogar International, un holding commun de développement à l’international qui a pour vocation de créer des compagnies d’assurances dans les pays dans lesquels nous sommes présents. Il va là aussi y avoir des annonces en 2014.

Nous avons compris que l’éclosion de la classe moyenne nécessite le développement de la banque de détail.

En Côte d’Ivoire, vous êtes à l’équilibre financier au bout de votre deuxième exercice. Comment êtes-vous arrivé à ce résultat aussi rapidement ?

En Côte d’Ivoire, nous sommes une banque corporate. C’est ce que nous savons faire le mieux. L’équipe a su capter les bonnes signatures et nous avons mis un niveau de fonds propres qui nous permet de faire les opérations liées à cette activité. Cela correspond aussi au gros boom économique de la Côte d’Ivoire.

Parmi vos implantations, il y en a une qui surprend : Madagascar. Pourquoi ce pays ? Vous y perdez chaque année de l’argent…

Cela fait seulement trois ans que nous y sommes, et vous savez que lorsqu’on s’implante, on est rarement rentable avant le quatrième exercice. Nous avons tenté de racheter la BMOI il y a un an et demi, mais le groupe [français] BPCE l’a emporté. Nous considérons que Madagascar est un pont entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique.

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Croyez-vous au modèle panafricain pour les banques ?

Aujourd’hui, le panafricanisme n’est pas une nécessité, c’est une obligation. Ce mot peut avoir une connotation politique, utilisons donc une expression plus simple : l’intégration africaine. C’est une obligation pour nous, en tant qu’entreprise, de participer au salut de l’Afrique. Car toutes les zones qui ont réussi au niveau mondial sont passées par l’intégration. Celle-ci commence au niveau économique et, quand cela sera fait, l’intégration politique viendra naturellement.

Comment avez-vous perçu la crise qui a frappé Ecobank, la plus célèbre des banques panafricaines ?

Je la regrette, car Ecobank a été pour nous un modèle de réussite au niveau de l’intégration africaine. Les problèmes de gouvernance ont miné cette société. La morale de l’affaire, c’est que tout groupe doit s’assurer que sa gouvernance est de premier ordre.

Les problèmes chez Ecobank ont commencé une fois Arnold Ekpe parti. Une banque qui repose sur une forte personnalité pendant de nombreuses années ne risque-t-elle pas de souffrir de son départ ? Et comment envisagez-vous votre avenir à la tête de BGFI alors que des rumeurs sur votre départ ont circulé durant l’été 2013 ?

La chaleur de Libreville a fait que les uns et les autres ont pu spéculer sur le pourquoi du comment. La nouvelle Afrique demande de nouvelles règles de gouvernance. Les mandats ont un début et une fin. Quand ils se terminent, il faut s’y plier. Mon mandat à la tête de BGFI arrive à terme en 2020. Pour le moment, j’ai un plan à mettre en oeuvre, et nous n’avons pas, contrairement aux Anglo-Saxons, l’habitude de désigner des dauphins.

En juin 2013, le groupe a été secoué par le départ de Brice Laccruche de BGFI Gabon et par des problèmes au sein de la filiale béninoise…

Nous avons tiré les conséquences des diagnostics que nous avons menés au Bénin et au Gabon. Il y avait un dérapage en termes de risques de crédit de la part des équipes dirigeantes locales. C’est notre inspection qui a décelé ces dysfonctionnements, que nous avons portés à l’attention de nos actionnaires et du régulateur. Au Bénin, on a recapitalisé la banque et remplacé l’équipe. Et en 2013, la filiale est revenue dans le vert. Au Gabon, Brice Laccruche n’a pas été interpellé au titre de la BGFI, mais dans le cadre d’activités liées à ses propres sociétés. BGFI n’a pas engagé de procédure judiciaire à son encontre.

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