[Chronique] VIH, stérilisation forcée et tabou sud-africain
En Afrique du Sud, un rapport dévoile qu’une cinquantaine de femmes porteuses du VIH ont été stérilisées, sous la pression, dans des hôpitaux. Le scandale souligne un tabou de la société sud-africaine.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 26 février 2020 Lecture : 2 minutes.
Femme, noire et séropositive : ce qui ressemble parfois à une triple peine, en Afrique du Sud, peut prendre la forme d’un quadruple tourment, lorsqu’une stérilisation forcée est au rendez-vous.
C’est ce que vient de révéler une longue enquête débutée en 2015 et dévoilée, en ce mois de février, par la Commission pour l’égalité des sexes en Afrique du Sud (CGE). Les résultats de l’étude présentent 48 cas documentés de Sud-Africaines très majoritairement porteuses du VIH et « forcées » de signer des formulaires de consentement en vue d’une stérilisation prétendument « justifiée » par leur statut sérologique.
En situation d’urgence sanitaire et de fragilité psychologique – accouchement imminent par césarienne -, ces femmes subissaient souvent un chantage aux soins médicaux de la part du personnel hospitalier.
Tabou sud-africain
L’allure de scandale que prend la publication de cette étude traduit un profond tabou de la société sud-africaine. Si le nombre exact de cas doit encore être appréhendé, pour savoir s’il s’agissait d’une planification concertée, deux assertions ne souffrent pas de discussion : primo, personne ne conteste publiquement les graves discriminations et violations des droits humains que constituent ces stérilisations forcées.
Secundo, aucun spécialiste du secteur de la santé ne peut prétendre être abasourdi. Des cas similaires avaient éclaté en Namibie voisine, cas qui avaient justement fait l’objet d’un débat et de dédommagement de trois femmes.
Entre gaucherie et déni, le pays de Madiba traîne une gestion historique coupable des situations liées au VIH, incarnée par l’attitude de l’ancien président Thabo Mbeki. Modéré et moderne pro-occidental, le successeur de Nelson Mandela versait dans l’absurdité, lorsqu’il était question du sida. Rejetant les progrès de la science dans ce domaine, Mbeki dénonçait l’exagération présumée des racistes sur l’ampleur de l’épidémie et promouvait des remèdes locaux à peine vecteurs de méthode Coué.
Sensibilisation de la population
Le diagnostic médical national d’un économiste – fût-il président – ne suffit pas à justifier l’incurie coupable de stérilisateurs autoproclamés. Et la question du mobile de ces violations des droits de la femme mérite d’être affinée. Les victimes ont-elles fait face à un jugement moral qui leur reprochait le risque d’infection d’une future progéniture ? Est-ce sa propre contamination que le personnel médical incriminé craignait, lors de futurs accouchements ?
À l’échelle de la planète, l’espérance de vie des personnes séropositives a augmenté d’une décennie depuis l’introduction des trithérapies, flirtant, dans les pays occidentaux, avec celle de la population générale.
Par ailleurs, le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant fait l’objet de multiples programmes de prévention, notamment dans des pays africains. Quant aux méthodes de protection d’un soignant légitimement inquiet d’une possible contamination, elles ne font plus l’objet de doutes scientifiques, notamment dans un pays au développement comparable à l’Afrique du Sud, où 13,5 % de la population est séropositive.
Le scandale né du rapport sur les stérilisations forcées doit être l’occasion d’aller au bout de l’introspection nationale et d’entendre les motivations des coupables pour mieux sensibiliser l’ensemble de la population à l’attitude à adopter à l’égard du VIH.
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