Un monde qui change

Publié le 21 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Les augures nous annoncent pour 2008 des temps extraordinairement difficiles : le ralentissement ou peut-être même la fin provisoire de cette croissance économique à laquelle nous nous sommes habitués ; le retour (possible) de l’inflation, ce mal trop vite oublié et qui, telle une souris, ronge en douceur le pouvoir d’achat des personnes, la substance des entreprises et des pays.
Si, par malheur, ces augures avaient raison, le monde sortirait d’une des plus belles et des plus longues périodes de prospérité qu’il ait jamais connues pour entrer dans une nouvelle crise à durée indéterminée.

Tous les pays et toutes les régions du monde ont profité – mais inégalement – de « l’ère de la mondialisation », qui a débuté avec le dernier quart du XXe siècle, il y a donc trente ans.
Voyons ce que nous disent les chiffres de 2006 (les graphiques de la page suivante illustrent l’évolution depuis vingt ans de l’économie et des échanges mondiaux).

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En 2006, le produit intérieur brut (PIB) mondial a progressé de 5,4 %. Les économies des pays avancés ont affiché un taux de croissance de 2,9 %, tandis que les pays émergents et les pays en développement ont atteint le chiffre étonnant de 8,1 %.
L’Asie a montré l’exemple avec une croissance de 9,8 % (11,1 % pour la Chine et 9,7 % pour l’Inde). Mais d’autres régions se sont presque aussi bien comportées : 7,7 % de croissance dans « la Communauté des États indépendants » (avec 6,7 % pour la Russie et 6,3 % pour les pays d’Europe centrale et orientale) ; 5,7 % pour l’Afrique subsaharienne et 5,6 % pour l’Afrique dans son ensemble ; 5,6 % au Moyen-Orient ; et 5,5 % pour les Amériques.
Cette expansion largement partagée s’explique par la rapide croissance du commerce mondial (9,2 % en 2006), l’envol des flux de capitaux (notamment vers les pays émergents et en développement : 348,5 milliards de dollars, soit 280 milliards d’euros, en 2006).
La zone Euro s’est, de son côté, réveillée : sa croissance en 2006 a été de 2,8 % (contre 1,4 % en 2005).
L’évolution accélérée de l’économie mondiale a eu pour effet, entre autres, de modifier le classement des pays et le poids relatif des continents les uns par rapport aux autres.

Les États-Unis ne sont plus le premier exportateur mondial, ni même le deuxième : l’Allemagne les a dépassés pour s’installer à la première place et la Chine vient de les déloger de la deuxième.
La Chine a produit plus d’automobiles en 2006 que les États-Unis et, en 2007, le japonais Toyota aura pris la place de General Motors comme premier constructeur mondial de voitures.
Dans le domaine financier également, l’Amérique et le dollar sont tombés de leur piédestal : le dollar s’affaiblit de jour en jour, mais il est toujours la monnaie de réserve préférée des banques centrales ; il n’est plus, en revanche, la forme de cash favorite des ménagères et des sociétés.
Il y a désormais plus d’euros – pièces et billets – en circulation que de dollars. Sur le marché obligataire international, l’euro a remplacé le dollar comme première monnaie d’échange.
Et la capitalisation de Wall Street est aujourd’hui éclipsée par celle de l’Europe (au sens large, Russie comprise).
La première entreprise du monde est américaine, selon le magazine Fortune, qui a attribué ce rang à ExxonMobil en 2006. Mais, en réalité, la saoudienne Aramco, qui ne figure pas dans le classement, a un plus gros chiffre d’affaires.
Goldman Sachs prévoit que le PIB de la Chine (aux taux du marché des changes) dépassera celui de l’Amérique vers 2027, mais sur la base de la parité de pouvoir d’achat, la Chine pourrait devenir le numéro un dans les quatre ans.

Notre confrère The Economist, qui a tenu à souligner ce déclassement des États-Unis, ajoute avec humour :
Évidemment, l’Amérique garde une large avance dans bien des domaines. Par exemple, elle est le pays du monde le plus endetté ; c’est elle qui consomme le plus d’énergie ; qui a la population carcérale la plus nombreuse. Mais il n’y a peut-être pas, là, de quoi se vanter
Décriée, jugée inégalitaire, la mondialisation aura permis en tout cas à bien des pays, dont les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde Chine) la moitié de la population mondiale -, qui étaient au bord de la route, de rentrer dans la course pour se mettre – ou se remettre -, en quelques décennies, dans le peloton de tête.

Si crise il doit y avoir en 2008, elle sera la première de ce XXIe siècle, qu’elle frapperait alors qu’il est riche des mutations décrites ci-dessus. Question : qui des pays émergents ou des pays développés en souffrira le plus ? Nul ne le sait.
Les précédentes, les deux chocs pétroliers de 1974 et 1979, le krach boursier de 1987, la chute de l’empire soviétique en 1991, les crises financières asiatiques de 1997 et 1998 ont, chacune à sa manière, modifié l’équilibre politico-économique mondial.
Celle dont on nous annonce l’imminence pourrait introduire, si elle se confirme, des changements bien plus surprenants !

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Nous vivons décidément dans un monde en mouvement : les premiers d’hier le seront-ils encore demain ? Les retardataires d’hier poursuivront-ils dans la voie du rattrapage ?
C’est le grand enjeu de ce XXIe siècle qui va avoir bientôt huit ans.

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