Jusqu’où iront les « towercos » ?

L’ascension de ces spécialistes de la gestion de pylônes semble inéluctable. En 2014, leur marché pourrait doubler.

En 2014, le marché de la gestion de pylônes pourrait doubler. © Vincent Fournier/JA

En 2014, le marché de la gestion de pylônes pourrait doubler. © Vincent Fournier/JA

Publié le 18 juin 2014 Lecture : 5 minutes.

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Télécoms & internet : à l’heure des économies

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Les spécialistes de la gestion de tours de communication, ou « towercos », fourbissent leurs armes. Fin mai, Helios Towers a annoncé qu’il recherchait 500 millions de dollars (367 millions d’euros) pour participer au rachat de 15 000 tours mises en vente par l’opérateur indien Bharti Airtel, une opération qui devrait rapporter à ce dernier environ 2 milliards de dollars. Quelques semaines plus tôt, l’américain IHS bouclait une levée de fonds d’un montant équivalent pour financer son expansion.

Airtel n’est pas le seul à se séparer de ses actifs. Le marché bruisse de rumeurs sur la revente attendue de 9 000 tours par l’opérateur sud-africain MTN, leader sur le continent, pour une valeur estimée à 1 milliard de dollars, mais aussi sur celle des tours nigérianes de l’émirati Etisalat. Cette vague de cessions a commencé en 2010, quand le luxembourgeois Millicom a revendu ses pylônes à la compagnie Helios Towers. Depuis, la tendance s’est accentuée, au point de paraître irréversible. Les transactions se sont multipliées dans les marchés les plus matures du continent : Ghana, Côte d’Ivoire, Cameroun, Zambie…

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Enjeu

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Quatre concurrents se battent pour la conquête de ce marché. Tout d’abord American Tower, coté à New York. Ensuite, trois autres towercos soutenus par de puissants capital-investisseurs : Eaton Towers (Development Partners International et Capital International), Helios Towers Africa (Helios Investment Partners) et IHS (notamment le français Wendel et Emerging Capital Partners). Ces quatre entreprises ne gèrent cependant qu’une vingtaine de milliers de tours, sur les 150 000 installées en Afrique. Si le réseau d’Airtel venait à être revendu, le marché des towercos doublerait de taille dans l’année à venir.

Dans la lutte qui s’annonce, l’accès aux financements sera déterminant, explique Vincent Le Guennou, directeur général du capital-investisseur ECP : « Le capital est le nerf de la guerre et être capable de lever des fonds constitue un enjeu décisif, car il y a une nécessité de rapidité d’exécution. » De ce point de vue, avec plus de 1,8 milliard de dollars levés en un an et demi, IHS semble bien placé pour continuer de croître massivement sur le continent. Il reste difficile d’avoir des données sur la rentabilité des « towercos », mais leur attractivité réside dans les flux de trésorerie prévisibles, des concessions à long terme et des locataires solides. Sans compter que les parcs de tours sont très facilement cessibles en cas de besoin.

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>>>> Lire aussi : Le business florissant des tours télécoms

Le métier des towercos consiste à optimiser la gestion des tours, notamment en réduisant les coûts de l’alimentation en électricité et des frais de sécurité et en hébergeant plusieurs opérateurs. Deux modèles d’affaires existent actuellement sur le continent. Premier modèle, la société obtient le management et le marketing des tours pour une durée de dix à quinze ans, et elle a les mains libres pour les louer à qui elle le souhaite.

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JA2787p088-2infoDans ce cas de figure, d’après un spécialiste du secteur, les towercos ne prennent pas d’obligations formelles en matière d’extension de réseau mais s’entendent sur les sites sur lesquels l’opérateur souhaite se développer. Second modèle, le towerco est propriétaire de ses actifs, soit parce qu’il les a rachetés à un opérateur, soit parce qu’il a constitué un parc par ses propres moyens. Pour l’instant, le partage est limité aux pylônes. Demain, les opérateurs mutualiseront aussi les équipements de télécoms installés sur ces tours.

Continuité

C’est le second modèle qui est largement privilégié par les towercos, qui y voient aussi un intérêt évident pour les opérateurs. « La cession permet aux opérateurs de télécoms d’engranger du cash, alors qu’ils sont sous pression pour déployer des services de nouvelle génération et améliorer la qualité de service. Cela leur permet de se recentrer sur leur premier métier, la vente de bande passante », décrypte Mohamed Dembele, spécialiste télécoms pour le cabinet PwC. « La revente de ces actifs permet de dégager du cash et de faire baisser les coûts, alors que les marchés croissent rapidement », ajoute Vincent Le Guennou.

Pour aller plus loin :

Télécoms, à l’heure des économies

Côte d’Ivoire/Cameroun : IHS rachète les tours de MTN

IHS : Wendel a désormais les mains libres

Sans oublier le paramètre de la continuité du service. « La qualité des fournisseurs publics d’énergie est très mauvaise en Afrique et les towercos permettent d’avoir une continuité de service. C’est capital, car si la tour n’est pas alimentée, il n’y a plus de service, donc plus de chiffre d’affaires, dans la mesure où 95 % des communications sont prépayées », explique un spécialiste du secteur internet.

Les towercos spécialisés sur l’Afrique ont de beaux jours devant eux et ne semblent pas devoir connaître le même sort que leurs homologues indiens, pour lesquels la croissance désordonnée de la branche a abouti à une crise de surcapacité (lire encadré). Un professionnel du secteur estime que l’Afrique connaît encore un déficit compris entre 100 000 et 200 000 pylônes. L’un des principaux vecteurs de développement reposera sur l’internet mobile alors que les smartphones sont désormais abordables pour les classes moyennes. Les towercos peuvent miser sur le développement de nouveaux fournisseurs d’accès à l’internet, à l’image de Smile et de YooMee, et sur le futur passage au numérique des télévisions africaines.

Points de vie

Les towercos anticipent leur essor à travers la diversification de leur modèle d’affaires, en imaginant des services innovants autour des pylônes. Romain de Villeneuve, directeur du développement chez IHS, explique que les tours constituent bien souvent le seul point d’alimentation électrique à des kilomètres à la ronde. « Ce sont des points de vie, et nous avons des projets tests pour valoriser ces sites avec un bénéfice mutuel pour les communautés locales en proposant par exemple de recharger les téléphones portables, en favorisant l’installation de cafés internet, voire de distributeurs automatiques de billets… »

Le précédent indien

Soumis à de fortes pressions concurrentielles, les opérateurs indiens ont été les pionniers de l’externalisation de tours télécoms, donnant naissance, au début des années 2000, à un vigoureux secteur des « towercos ». Entre 2007 et 2010, le nombre de tours est ainsi passé de 100 000 à 310 000.

L’augmentation du nombre de ces tours est à l’origine de nombreuses avancées. Elle a permis aux opérateurs de réduire leurs coûts de façon considérable tout en autorisant l’arrivée de nouveaux venus. Mais le secteur a été victime de son succès. L’entrée en scène de nouveaux acteurs, notamment des filiales créées par les opérateurs, a entraîné la construction de tours en trop grand nombre. Avec 365 000 tours aujourd’hui, le secteur est en surcapacité et la croissance est au point mort.

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