Opération séduction

Abidjan, Ouaga, Bamako, Abuja le numéro deux de la diplomatie américaine n’a pas ménagé sa peine pour vendre le projet Africom.

Publié le 21 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Mais qu’est donc venu chercher John Negroponte en Afrique de l’Ouest ? Après sa tournée en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Burkina et au Mali, la réponse commence à se dessiner : le numéro deux du département d’État américain poursuivait deux buts. Et le premier n’était pas le plus facile à atteindre. Quand il est arrivé à Abidjan, le 10 novembre, les Ivoiriens étaient plutôt flattés. « Un responsable américain de ce niveau, on n’en avait pas vu depuis 2002 », a lâché un proche du Premier ministre, Guillaume Soro. La veille, ce dernier et le président Laurent Gbagbo s’étaient même concertés pour « tenir le même discours » face à l’Américain. Mais dans les tête-à-tête, chacun a joué sa carte. Gbagbo a plaidé pour une levée des sanctions de l’ONU, Soro pour une aide financière au processus de paix. Negroponte s’est inquiété, lui, des retards dudit processus. Réponse de Gbagbo, qui précise n’y être pour rien : « Je veux aller aux élections au plus vite », lui a-t-il dit.
Les Ivoiriens n’ont pas mis longtemps à se rendre compte que ce diplomate de 68 ans connaissait ses dossiers. La crise ivoirienne lui est familière depuis l’époque où il était ambassadeur à l’ONU, entre 2001 et 2004, et il parle bien français. Pendant deux jours, Negroponte a donc écouté, consulté. À la résidence de la nouvelle ambassadrice Wanda Nesbitt, il a reçu successivement les dirigeants des deux grands partis d’opposition. Le président du RDR, Alassane Ouattara, a insisté – en anglais – sur le fait que l’identification des électeurs avait beaucoup de retard. Sur les 111 équipes prévues pour animer les audiences foraines, seulement 25 seraient opérationnelles. « Si la paix n’est pas assurée en Côte d’Ivoire, c’est dangereux pour le Liberia », a-t-il ajouté. L’Américain a opiné du chef. Le secrétaire général du PDCI, Alphonse Djédjé Mady, s’est inquiété, lui aussi, des lenteurs du processus. « On peut compter sur vous ? » a-t-il demandé à la fin de l’entretien. « Il faut d’abord compter sur les Ivoiriens », a répondu Negroponte. Henri Konan Bédié n’était pas là. Il ne voulait pas se déplacer chez l’ambassadrice, dont le patron, lui, ne souhaitait pas se rendre au domicile de l’ancien chef de l’État. Le protocole est parfois bien compliqué.

Au terme de son séjour ivoirien de deux jours, le numéro deux du département d’État a laissé un message à ses hôtes : il faut très vite mettre en uvre l’accord de Ouaga. « Dans le délai le plus bref possible, a-t-il précisé en français. Il est temps de faire de vrais progrès sur l’identification des électeurs et le désarmement. » Mais il n’a pas tout dit. Il cherche aussi à identifier les responsables des retards actuels. Deux jours plus tard, quand il est reçu par Blaise Compaoré, il lâche : « Très vite, on verra qui bloque en Côte d’Ivoire. » Le président burkinabè acquiesce. Évidemment, Negroponte n’était pas venu à Ouaga pour parler seulement de Côte d’Ivoire. Il a aussi abordé le second thème de sa tournée, celui qui lui tient le plus à cur : la lutte antiterroriste et le futur Centre de commandement militaire américain pour l’Afrique, le fameux Africom. Il sait que ses hôtes africains sont très méfiants à l’égard de ce projet, mais il y tient. À Abuja, à la sortie de son entretien avec le chef de l’État nigérian Umaru Yar’Adua, il a lancé : « Nous souhaitons installer Africom en Afrique. Le processus de sélection d’un pays d’accueil est en cours, mais nous n’irons pas là où nous ne sommes pas les bienvenus. » Face à Compaoré, il avait avancé à pas de loup et expliqué le sens du projet, sans formuler de demande précise. « De toute façon, on n’en est qu’au stade de la sensibilisation », a confié un proche du chef de l’État burkinabè.
Abuja, Ouaga, Bamako Lors de ses trois dernières étapes, l’ancien maître-espion de George Bush a tenté une opération séduction. Avec un détour par Tombouctou, pour y rencontrer des unités de l’armée malienne et leurs instructeurs américains, avant d’assister à la conférence des ministres de la Communauté des démocraties, que les États-Unis ont lancée en 2001. Et de s’entretenir avec le président Amadou Toumani Touré. Au menu : la sécurité sur la bande sahélo-saharienne, mais aussi encore et toujours l’Africom.
Aujourd’hui, on sait ce que cherche Negroponte. Mais le trouvera-t-il ?

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