L’Étoile au firmament

Les champions de Tunisie arrachent une improbable victoire en finale de la Ligue des champions d’Afrique. Les raisons de leur réussite.

Publié le 21 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

La date du 9 novembre restera marquée d’une pierre blanche dans l’histoire de l’Étoile sportive du Sahel (ESS). C’est en effet ce jour-là que, dans le chaudron du stade du Caire, le club champion de Tunisie 2007 a, pour la première fois, remporté la Ligue des champions d’Afrique de football en battant en finale (3-1) le tenant du titre, le redoutable Nadi al-Ahli, bardé de titres et d’internationaux (sept).
Après le décevant 0-0 du match aller, à Sousse, on ne donnait pourtant pas cher des chances de l’Étoile. Mais la tactique prudente, pour ne pas dire franchement défensive, mise au point par Bertrand Marchand, l’entraîneur français, et la fougue des jeunes joueurs tunisiens (moyenne d’âge 21 ans) ont eu raison des « barons » d’Al-Ahli.
Il est vrai que le score aurait pu être inversé sans la baraka du gardien de but, Ali Azouz Mathlouthi, et une « distraction » de l’arbitre marocain, Abderahim el-Arjoun, qui aurait pu siffler un penalty en faveur des Égyptiens pour une faute sur Ali Abutriqa dans la surface de réparation. Il est vrai aussi que le club cairote était privé de son meilleur joueur, Mohamed Barakat, suspendu après le match aller, et qu’il a été contraint de jouer à dix contre onze pendant une demi-heure, après l’expulsion de son libero. Mais c’est le football
Au Caire, la cérémonie de remise des trophées a été perturbée par de regrettables incidents qui pourraient valoir à Al-Ahli une lourde sanction de la part de la Confédération africaine de football (CAF). Pendant ce temps-là, dans le Sahel tunisien, quatre infortunés supporteurs succombaient à un infarctus. De retour au bercail, les champions d’Afrique préparent désormais la Coupe du monde des clubs, qui aura lieu au Japon du 7 au 16 décembre.
Cette victoire a rapporté au club tunisien 950 000 dollars, auxquels viendra s’ajouter la substantielle prime afférente à sa participation à la Coupe du monde. Au total, le pactole sera donc compris entre 2 millions et 3 millions de dollars, en fonction de la performance réalisée dans cette dernière compétition*. Le budget de l’ESS est de 8 millions de dollars. Un excédent de 1,6 million de dollars a été dégagé au cours de l’année écoulée. Dérisoires à l’échelle du football européen, ces sommes n’en sont pas moins considérables pour l’Afrique.
Cette réussite est le résultat du travail de longue haleine entrepris par les anciens présidents du club, de Hamed Karoui à Abdeljelil Bouraoui, en passant par Hamadi Mestiri et Othman Jenayeh. Ce dernier, en particulier, a complètement transformé le club en modernisant ses structures. Il existe aujourd’hui un centre de formation performant fréquenté non seulement par de jeunes joueurs locaux, mais aussi par de nombreux Subsahariens. Certains, comme le Cap-Verdien Gilson Silva, le Béninois Muri Ogunbiyi ou les Ghanéens Sadate Boukari et Moussa Nary, intègrent ensuite l’équipe professionnelle. D’autres sont transférés en Europe ou ailleurs (jusqu’en Thaïlande !), le club réalisant au passage de confortables plus-values.

Par ailleurs, un vaste complexe sportif a été inauguré en 2006. Il comprend un hôtel, un centre d’hébergement, un club-house, quatre terrains gazonnés, des courts de tennis et des terrains omnisports. Coût de l’ouvrage : 8 millions de dinars (6,5 millions de dollars). Bertrand Marchand, le technicien français, perçoit pour sa part un salaire mensuel d’environ 15 000 dinars, primes non comprises.
Créée en 1925, l’ESS était la figure de proue des nationalistes sahéliens, par opposition à la Patriote de Sousse, animée par des Italiens et des Maltais.
Au fil des années, elle a accumulé les titres et rivalisé avec les meilleurs clubs de l’époque : le Club sportif d’Hammam-Lif, l’Espérance sportive de Tunis, le Club africain, l’Union sportive tunisienne et le Stade tunisien.
Mais l’histoire véritable de l’Étoile commence avec l’indépendance, en 1956. Coup sur coup, sous la houlette de feu le président Ali Driss, elle remporte le championnat en 1958, puis la Coupe l’année suivante, face à l’Espérance de Tunis. Les stars de l’époque se nommaient Habib Mougou, Abdelmajid Chétali, Mourad Boudhina, Mahmoud Kanoun, Raouf Ben Amor et Mohsen Habacha, tous membres de l’équipe nationale. Au cours de la saison 1961-1962, à la suite de graves incidents survenus au cours d’un match contre l’Espérance, le club est dissous par le président Habib Bourguiba. Celui-ci finira par pardonner et, au cours de la saison suivante (1962-1963), le club réalise le doublé coupe-championnat, sans subir la moindre défaite.
L’Étoile, qui est le club de toute la région du Sahel (Centre-Est), a donné au pays deux Premiers ministres : Hédi Nouira (qui fut, dans sa jeunesse, un attaquant de talent) et Hamed Karoui (un ancien président). Mohamed Ghannouchi, l’actuel chef du gouvernement, n’a jamais joué à l’ESS, mais il en est depuis toujours un fervent supporteur. Mais la véritable icône du club – et son sponsor depuis des lustres – reste M’Hamed Driss, patron d’un grand hôtel de Sousse.

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* Le budget global de la Coupe du monde des clubs est de 16 millions de dollars, dont 5 millions pour le vainqueur et 4 millions pour le finaliste. Les cinq autres participants toucheront entre 500 000 et 2,5 millions de dollars.

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