Les mirages d’Annapolis

Publié le 21 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Que peut-on attendre de la conférence de paix sur le Moyen-Orient, prévue à Annapolis, fin novembre (si elle a lieu) et voulue par une administration américaine soucieuse de sauver ce qui peut encore l’être du legacy, l’héritage, de George W. Bush au Moyen-Orient.
J’aimerais vraiment pouvoir écrire : beaucoup. Même un peu.
Mais je suis obligé de dire : rien ou presque.
L’administration Bush ne joue plus (pas) le rôle de l’arbitre neutre. Les faucons, menés par le très coriace Dick Cheney, rêvent toujours d’un Moyen-Orient débarrassé de toute puissance (Irak, Iran, Syrie) qui pourrait gêner l’hégémonie américaine et israélienne. L’alliance avec Tel-Aviv est plus étroite que jamais, à la fois politique, militaire, quasiment mystique. Pour Washington, la paix ne peut se faire qu’aux conditions de l’État hébreu. La méfiance vis-à-vis des Arabes en général, des Palestiniens en particulier, le refus systématique d’ouvrir ne serait-ce qu’un dialogue exploratoire avec les mouvements comme le Hamas, ou avec des États influents comme la Syrie, rendent quasiment impossible tout dialogue de fond.
Israël, de son côté, est hors d’état de signer un quelconque traité de paix. La défaite militaire et morale, il y a un an et demi au Liban, a laissé des blessures béantes au cur d’une société décidée à se barricader. Le spectre d’un Iran nucléaire fait apparaître l’ampleur de la menace stratégique qui pèse sur le pays. Dans l’opinion publique, le « refoulement » est maximal : le Palestinien est devenu une chose dangereuse et lointaine, qui vit dans un autre monde, au-delà des murs. Le Premier ministre Ehoud Olmert est affaibli, discrédité par le Liban, les affaires de corruption, préoccupé par sa santé (il a annoncé récemment souffrir d’un cancer de la prostate). Et les politiques font monter la pression, en exigeant des préconditions (sur la colonisation, le statut de Jérusalem, le droit au retour) qui vident de tout sens le mot négociation.
Les Palestiniens sont « parcellisés » dans des territoires, soit non contrôlés (la Cisjordanie), soit déclarés « entités ennemies » (Gaza). Le conflit idéologique, politique, qui oppose le Fatah aux islamistes du Hamas a fait exploser ce qui restait de la notion de leadership palestinien. Le socle de l’expérience commune, le lien historique se délite. Il y a quelques jours à peine, l’anniversaire de la mort de Yasser Arafat a donné lieu à des affrontements fratricides à Gaza. La société civile s’est effondrée sous le poids de l’occupation, des privations, de la crise économique. Désespérée, la société palestinienne n’attend plus rien. Elle est juste prête à résister des années et des années
Le plus déprimant, c’est que chacun connaît les bases d’un accord réaliste. Le travail a déjà été fait. À Oslo (en 1993), au sommet de Taba (en janvier 2001), avec l’accord dit de Genève (proposé par Yasser Abed Rabbo et Yossi Beilin en 2003), les principes posés par la Feuille de route (qui date aussi de 2003), en passant par l’Initiative de paix arabe proposée par le roi Abdallah d’Arabie saoudite (toujours en 2003, en mars).
Tout est là, résultat de milliers d’heures de négociations Tout est là, et chacun sait qu’in fine il n’y a pas d’autre chemin. Tout est là, mais ce qui manque, c’est du souffle, une grande volonté politique, la décision de changer le mouvement de l’Histoire ; ce qui manque, ce sont des hommes d’envergure, de qualité, de vision, d’exception, capables de faire cette paix dont le monde a tant besoin.

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