Guinée : le report des élections « n’est ni une victoire ni une défaite », selon l’opposition

Le report du scrutin législatif et référendaire par Alpha Condé a suscité un accueil mitigé au sein de son propre parti. Quant à l’opposition, qui continue de refuser le projet de réforme constitutionnelle et entend boycotter les législatives, elle a annoncé de nouvelles manifestations à partir du 5 mars.

Alpha Condé au palais Sékoutoureya, en mai 2015. © Vincent Fournier/Jeune Afrique

Alpha Condé au palais Sékoutoureya, en mai 2015. © Vincent Fournier/Jeune Afrique

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Publié le 1 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

La parole du Chef de l’État était attendue. Vendredi, après une journée tendue, marquée par des appels à la retenue de part et d’autre, Alpha Condé est finalement apparu sur le petit écran pour annoncer « un léger report des élections ».

Au regards des tensions dans le pays, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union africaine venaient de renoncer à l’envoi d’observateurs pour les élections législatives et le référendum constitutionnel.

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Cette décision a du mal passer auprès des partisans de la mouvance présidentielle. Aussi, Alpha Condé s’est-il rendu, samedi 29 février, au siège du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel) afin d’expliquer ses motivations.

« Nous sommes en train d’expliquer à nos militants le bien-fondé du report », explique Souleymane Camara, membre du RPG arc-en-ciel et conseiller chargé de mission du chef de l’État. « Le président Alpha Condé a aidé à débloquer les crises en Gambie, au Togo et en Guinée-Bissau, il n’y avait donc pas de raison que refusions une demande de l’Afrique allant dans le sens de la crédibilisation des élections », poursuit-il.

« Ce n’est ni une victoire ni une défaite »

L’opposition, quant à elle, ne jubile pas pour autant. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), fer de lance de la protestation contre le référendum constitutionnel, a d’ailleurs annoncé la reprise des manifestations dès le 5 mars.

« La lutte ne s’arrête pas, elle continuera jusqu’à la satisfaction de nos revendications : le renoncement au troisième mandat, l’assainissement du fichier électoral et l’achèvement du processus des élections communales par l’installation des chefs de quartier et de district », a réagi Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition guinéenne et leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), interrogé par Jeune Afrique. « Nous ne sommes pas concernés par le report, Alpha Condé l’a dit, et nos bases doivent comprendre que ce n’est ni une victoire ni une défaite », a-t-il fait valoir.

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Déclaration de guerre

À ses yeux, une seule raison justifie ce report de deux semaines : « Alpha Condé cherche à réparer la faute diplomatique qu’il a commise à l’endroit de ses homologues de la Cedeao, en refusant de les recevoir. Il maintient son obstination à changer la Constitution, à exclure l’opposition. Cela s’apparente plus à une déclaration de guerre qu’à un appel à la paix. »

Son ancien vice-président, aujourd’hui à la tête de l’Union pour la démocratie et le développement, Bah Oury, semble plus optimiste : « Il est important de profiter de cette brèche ouverte pour trouver une sortie de crise durable et politique. Si la crispation persiste, il va de soi que nous nous engagerons dans une période de turbulences et d’instabilité, ce qui ne serait pas souhaitable. Le plus important est d’aller au dialogue en mettant en avant la préservation de l’État de droit et la stabilité. Un scrutin plus inclusif et l’abandon du projet de nouvelle Constitution sont les deux pierres angulaires de notre revendication. Pour leur mise en œuvre, la Guinée a besoin de l’accompagnement de la communauté internationale ».

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« Nous n’avons exclu personne »

Pour le RPG arc-en-ciel, il n’est pas question de renoncer au référendum, encore moins de rouvrir la liste des candidatures aux élections législatives et référendaire. « Je ne vois pas comment des gens qui ont décidé de boycotter les élections pourraient revenir. C’est la Cour constitutionnelle qui a validé les candidatures, il lui appartient de se prononcer sur l’acceptation ou non de nouveaux candidats », estime Souleymane Camara.

Et Amadou Damaro Camara, le président du groupe parlementaire du parti présidentiel, d’ajouter : « Nous n’avons exclu personne. Ceux qui sont dehors se sont exclus d’eux-mêmes. À la demande du président de la République, le Premier ministre a conduit des consultations sur le projet de nouvelle Constitution. C’est à ce moment qu’il fallait poser ces problèmes et les résoudre. L’opposition n’a donné aucune possibilité d’ouverture, elle a bloqué le processus de dialogue en se donnant comme objectif d’empêcher la tenue des élections. »

La mouvance présidentielle a jusqu’au 21 avril pour faire adopter le nouveau texte, car tout changement de Constitution à six mois d’un scrutin présidentiel est interdit par la charte sur la démocratie de la Cedeao et de l’Union africaine. « Nous n’allons pas tomber dans le piège d’un nouveau report », martèle Amadou Damaro Camara du RPG.

Dans ce cas, pourquoi avoir reporté le scrutin ? « C’est la question fondamentale. Cela permettra de rassurer et de montrer que l’opposition s’adonne à de la manipulation », croit le patron du groupe parlementaire RPG arc-en-ciel.

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