Le bourreau attendra
Ali Hassan al-Majid, dit Ali le Chimique, va-t-il sauver sa peau ? Condamné à mort pour son rôle dans l’« opération Anfal » (le massacre, en 1988 à Halabja, de plusieurs milliers de Kurdes au moyen d’armes chimiques), il n’a pas été livré à ses bourreaux malgré les instances du chef du gouvernement, Nouri al-Maliki. Ainsi en ont décidé les Américains, qui invoquent le « règlement préalable d’un différend juridique ». De quoi s’agit-il ?
Aux termes de la Constitution, l’ordre d’exécution doit être signé par le président de la République, Jalal Talabani. Hostile par principe, dit-il, à la peine capitale, celui-ci s’est fait violence pour Saddam Hussein, mais résiste aujourd’hui. En outre, pour exécuter la sentence, les bourreaux disposaient d’un délai d’un mois à partir du 4 octobre. Comme cette période coïncidait avec le ramadan, Maliki, qui n’avait pas oublié le tollé soulevé par le supplice du raïs le jour de l’Aïd al-Adha (fête du Sacrifice), avait différé la pendaison. Le délai étant dépassé, celle-ci n’est aujourd’hui plus légale.
Mais l’attitude des Américains obéit aussi à d’autres considérations. Deux figures de l’ancien régime se trouvent dans le même cas qu’Ali le Chimique : Hussein Rachid al-Takriti et, surtout, Hachem Sultan Ahmed. Ancien ministre de la Défense, celui-ci était détenu à Camp Cropper, la base militaire américaine, et devait être pendu dans la nuit du 10 septembre. In extremis, les autorités d’occupation ont changé d’avis.
Le général Sultan est en effet une vieille connaissance des Américains. À l’issue de la guerre du Golfe, en février 1991, c’est lui qui avait signé l’acte de reddition avec le général Norman Schwartzkopf. Chef d’état-major, puis ministre, il est réputé pour son franc-parler et reste très populaire dans l’armée. Approché par les services américains à la veille de l’invasion de mars 2003, il accepte de ne pas opposer de résistance inutile. Grâce à lui, dira un responsable, « des vies américaines ont été épargnées ». En septembre de la même année, il se rend au général David Petraeus, alors commandant du front nord. Bientôt libéré, il s’installe avec sa famille à Mossoul, avant d’être à nouveau arrêté, en juin 2004, sur ordre du gouvernement irakien et inculpé pour son rôle dans l’affaire Anfal.
En se portant au secours du général Sultan, les Américains ont sauvé la vie à un « ami ». Et accompli, ce faisant, un geste politique. Alors que les tractations avec les chefs des tribus sunnites et les officiers de l’armée de Saddam commencent à porter leurs fruits, ce n’est certainement pas le moment de relancer l’insurrection.
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