Cheikh Mohamed al-Maktoum
Mégalomane et visionnaire, le richissime prince héritier de Dubaï gère l’émirat comme un authentique chef d’entreprise.
Regardez bien cet homme : il pèse 16 milliards de dollars. Et, à en croire le magazine américain Forbes, il serait à la tête de la quatrième fortune mondiale. Gouverneur de Dubaï, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis (EAU) depuis janvier 2006, Cheikh Mohamed Ibn Rached al-Maktoum, 58 ans, est un despote éclairé. Homme d’État, homme d’affaires, grand amateur de courses hippiques et de fauconnerie, mais aussi poète à ses heures, ce prince du désert, adulé par ses sujets mais aussi par l’importante communauté d’expatriés présents dans l’émirat, a une particularité : celle de transformer en or presque tout ce qu’il touche.
À la fois mégalomane et visionnaire, ce bourreau de travail est à l’origine du miracle de Dubaï. Le décollage d’Emirates, lancée en 1985, et devenue, vingt ans après, l’une des toutes premières compagnies aériennes au monde ? C’est lui. La trilogie à succès de la palmeraie, Jumeirah, Jebel Ali et The World (voir pp. 50-51) ? C’est lui. Le Dubai International Financial Center, Internet City, Media City, Knowledge Village, ces zones offshore qui ont fait basculer l’émirat dans la nouvelle économie ? C’est encore lui.
Troisième fils de Cheikh Rached, un dirigeant estimé et charismatique qui régna sur l’émirat de 1958 à 1990 et fut à l’origine de la création du port et du développement des infrastructures industrielles de la ville, Cheikh Mohamed a été programmé pour gouverner. Après un passage par Cambridge, en Angleterre, complété par six mois de stage dans une académie militaire britannique, il est nommé chef de la police et de la sécurité publique de Dubaï en novembre 1968, à 19 ans, et ministre de la Défense des Émirats en décembre 1971, au lendemain de la proclamation de l’indépendance. Il chapeaute la création de l’aéroport international et de la compagnie Emirates.
Cheikh Maktoum succède à Cheikh Rached à la mort de celui-ci, en 1990. Mais il n’a pas le goût du pouvoir, et abandonne de facto les rênes de l’Émirat à son jeune frère, Cheikh Mohamed. En 1995, le nouvel homme fort de Dubaï est officiellement désigné prince héritier. En janvier 2006, au décès de Maktoum, il accède enfin aux responsabilités suprêmes.
Celui que ses compatriotes surnomment affectueusement « Cheikh Mo » est un vrai prince du désert. Port de tête altier, regard perçant, c’est un cavalier émérite. Familier des champs de course européens, il possède la plus belle écurie de chevaux au monde, baptisée Godolphin, du nom du pur-sang arabe offert par le bey de Tunis à Louis XV, et à l’origine de la lignée des pur-sang anglais. C’est d’ailleurs en marge d’un concours qu’il a rencontré sa deuxième femme, la princesse Haya Ibn Hussein, fille du défunt roi de Jordanie, dont il est tombé éperdument amoureux, et qu’il a épousée en 2004.
Les chroniqueurs du Guinness Book des records se souviennent qu’il a dépensé 44 millions de dollars pour son premier mariage, en 1981, avec la princesse Salama. Mais ce folklore ne doit pas faire oublier l’essentiel. Cheikh Mohamed est d’abord un manager avisé, qui se targue de diriger Dubaï comme on gère une entreprise. Il observe, décide et agit vite. Et entend que ses collaborateurs se plient à son rythme. « Le mot impossible n’appartient pas au vocabulaire des leaders », aime-t-il à répéter à ceux qui, effrayés par la démesure des projets qu’il initie, tentent de le mettre en garde
Fasciné par la réussite de Singapour, il rêve de faire de Dubaï l’équivalent arabe de la Cité-État asiatique. Réformateur audacieux, frustré, sans doute, d’avoir hérité d’un pays aux dimensions trop restreintes et à la population dérisoire, il a trouvé dans la fièvre bâtisseuse un puissant dérivatif. Mais qu’on ne s’y trompe pas. La signification de son uvre est avant tout politique. Cheikh Mohamed aime à se dépeindre comme un leader visionnaire et veut incarner un exemple de réussite arabe. Pour rendre à ses congénères fierté, enthousiasme et confiance en l’avenir. Jusqu’à présent, force est de reconnaître qu’il est en passe de gagner son pari.
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