Au guichet chinois

Après les matières premières et les infrastructures, Pékin se lance dans la banque et confirme son engagement sur le continent.

Publié le 21 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

L’achat de 20 % du capital de la très prospère Standard Bank sud-africaine par la Banque industrielle et commerciale de la Chine, la première au monde par sa capitalisation, est l’investissement direct étranger (IDE) le plus important qui ait été fait en Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid. Il représente un niveau d’engagement qui va bien au-delà du « pillage de ressources » dont Pékin a été accusé dans ses récentes opérations commerciales avec l’Afrique.

Pour la banque chinoise, il s’agit d’une étape importante dans sa stratégie d’accès à un niveau mondial. « Nous accordons une priorité aux fusions et aux acquisitions dans les marchés émergents d’Asie et d’Afrique, parce qu’il y a là-bas des taux de croissance élevés et de gros potentiels », a déclaré son président, Jiang Jianqing. Face à ces investissements chinois, mais aussi indiens, les concurrents européens et nord-américains ont-ils pris conscience de l’importance du phénomène ?
Le fait qu’une grande banque chinoise établisse un lien aussi étroit entre l’Afrique et l’Asie prouve, une fois de plus, que les Asiatiques eux-mêmes considèrent que ce qui se passe actuellement sur le continent n’est qu’une répétition de ce qu’ils ont connu chez eux, il y a vingt ou trente ans. De nombreux pays d’Afrique sont aux portes du décollage, et le continent cherche des mariages de convenance avec des investisseurs afin de construire des voies de chemin de fer, des routes à péages, des ports, des chaînes de montage de motos et des fabriques de ciment. Plus de 900 entreprises chinoises travaillent déjà en Afrique. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que l’an prochain le taux de croissance de l’Afrique subsaharienne devrait approcher les 7 %. Ce n’est qu’une moyenne, tirée vers le bas par des pays comme la République démocratique du Congo (RDC), la Somalie, le Zimbabwe, l’Éthiopie, l’Érythrée et le Soudan. Mais la plus grande partie de l’Afrique subsaharienne est sur la voie d’une amélioration durable, favorisée par les cours élevés des matières premières (bien que, selon le FMI, ce ne soit pas le facteur déterminant) et par un allègement réel de la dette.
Il en est ainsi, malgré une aide stagnante, en raison de l’afflux de capitaux privés et de l’augmentation de l’investissement intérieur et de la productivité. L’importante réduction du nombre des conflits armés a aussi été un facteur positif. Les pays naguère ravagés par la guerre, tels le Liberia, la Sierra Leone et la RDC, affichent actuellement un taux de croissance de 5 %.

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Une bonne partie de la croissance future dépendra du taux d’investissement des capitaux privés, qui, bien qu’encore très loin de celui de l’Asie, a triplé depuis 2003. À l’heure actuelle, le Nigeria et l’Afrique du Sud en attirent les deux tiers mais, dans plusieurs autres pays (Ghana, Kenya, Cameroun, Ouganda et Zambie), l’investissement dans le marché obligataire et celui des actions est en augmentation. L’envolée du prix du pétrole n’a pas encore posé trop de problèmes : l’inflation continue de baisser et l’approvisionnement alimentaire s’améliore. De fait, certains pays ont puisé dans leurs solides réserves pour soutenir la croissance.
Si ces progrès continuent, la pauvreté va progressivement reculer, bien qu’un petit nombre de pays seulement puissent espérer réaliser l’Objectif du millénaire d’une diminution de moitié de la pauvreté en 2015. Cependant, moins ces pays seront contraints d’orienter leur politique fiscale dans le sens d’un redressement des déséquilibres macroéconomiques, plus ils pourront dépenser pour la réduction de la pauvreté – l’amélioration de la sécurité sociale, de l’éducation et des services de santé. Dans le peloton de tête, de ce point de vue, on trouve la Tanzanie, le Ghana, l’Ouganda et le Rwanda.
Pour tous ces pays, un peu d’aide supplémentaire serait la bienvenue. Mais, malgré la promesse d’un doublement faite au sommet du G8 à Gleneagles en 2005, ils ne voient rien venir – même si le rôle accru des fonds mondiaux privés comble une partie du déficit. L’explication est peut-être l’image qu’on a en Occident d’une Afrique ravagée par la guerre et qui gaspille l’aide. Mais ce n’est plus vraiment le cas. Demandez plutôt aux Chinois et aux Indiens.

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