Télévisions subsahariennes : images d’ici et d’ailleurs

À quoi ressemble le paysage audiovisuel africain ? Une vaste enquête a été réalisée dans une vingtaine de pays.

Publié le 19 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Canal France international, l’agence de coopération télévisuelle, est plus décidée que jamais à renforcer son action – et à asseoir la notoriété qu’elle a gagnée grâce à son ancienne chaîne CFI TV, diffusée de 1999 à 2003 – sur les quatre continents. Mais c’est l’Afrique qu’elle souhaite mettre à l’honneur pour cette rentrée en organisant, le 15 septembre à Paris, un colloque sur les enjeux de la télévision africaine. Une façon aussi pour CFI de mieux connaître ses partenaires.
Présente sur le terrain depuis plus de quinze ans, avec pour mission aujourd’hui de fournir des programmes aux chaînes locales et d’apporter des services de conseil, de formation et d’aide à la production, l’agence française est confrontée à un secteur en pleine mutation. Pour mieux en cerner les contours, elle a demandé à un cabinet d’études indépendant, Area, de réaliser une vaste enquête sur les marchés, la concurrence et le développement du média audiovisuel. Une vingtaine de pays africains, francophones, anglophones mais aussi lusophones, ont donc été passés au crible, tandis que quelque cent cinquante entretiens ont été réalisés auprès de professionnels de la télévision et des téléspectateurs. Une première du genre.
« Un constat s’impose : les images venues d’ailleurs affluent de plus en plus sur les chaînes africaines », note le directeur général de CFI, Jean Mino. Ce sont l’arrivée des chaînes satellitaires et la multiplication des télévisions privées qui ont enclenché, puis accentué, cette tendance. « L’offre satellitaire crée de nouvelles attentes, souligne l’étude d’Area. Les téléspectateurs africains, du moins les urbains, sont donc invités à une sorte d’exil télévisuel, une émigration imaginaire qui transforme les perspectives du proche et du lointain. »
Cette profusion d’images étrangères participe à la diversité et à la pluralité de l’information, mais contribue aussi, et surtout, à relever le niveau d’exigence du public africain à l’égard de l’offre locale. Or les chaînes privées connaissent des difficultés pour y répondre. Les informations de proximité qu’elles offrent sont de faible qualité par rapport aux images d’actualité internationale qu’elles sont obligées d’importer faute de stocks de programmes suffisants. Sans compter que ces télévisions privées, qui manquent cruellement de moyens, profitent relativement peu de la coopération internationale. « Le fait que les chaînes publiques bénéficient de la banque d’images de CFI et de partenariats privilégiés – inaccessibles aux acteurs privés – introduit une forme de distorsion de la concurrence qui s’ajoute à bien d’autres », relève l’étude, publiée à l’occasion du colloque.
Le secteur public vit des redevances, des subventions étatiques et des publireportages, tandis que les chaînes privées doivent compter sur un marché publicitaire qui peine à émerger. Les grands annonceurs rechignent effectivement à investir en Afrique en raison notamment de l’absence des mesures d’audience et de l’insuffisance de la couverture du territoire par les télévisions privées.
Autres enseignements apportés par cette enquête : les préoccupations des professionnels en matière de formation, de la construction d’une grille de programme à l’animation d’une émission, en passant par l’élaboration d’un projet éditorial et les compétences journalistiques. Avec 51 télévisions partenaires dans 41 pays d’Afrique, CFI tente depuis plusieurs années d’assurer cette assistance globale, en accompagnant une émission à toutes les étapes de sa production. L’agence est toutefois consciente de la nécessité de réinventer la coopération. Elle réfléchit par exemple à limiter la gratuité des programmes qu’elle propose aux chaînes partenaires. « Nous ne voulons pas que les économies ainsi réalisées servent à acheter des programmes américains », confie Jean Mino, qui souhaiterait que les télévisions investissent dans la réalisation de leurs propres programmes.
CFI a déjà commencé à impliquer ses partenaires dans l’achat des événements sportifs. « Jusqu’à présent, nous payions les droits de diffusion, assurions la production, etc. Mais la cherté de ces événements nous a conduits à demander aux chaînes de participer à l’achat des droits », poursuit le directeur. Elle va également obliger les chaînes à louer des décodeurs. « C’est un prix certes symbolique, mais psychologiquement important pour que les acteurs de l’audiovisuel se prennent progressivement en charge », explique-t-il. Car le but ultime de CFI est de céder sa place aux acteurs locaux, lesquels sont certainement seuls à même de donner satisfaction aux Africains en quête de leur image.

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