L’Afrique face au coronavirus : trois infographies pour mieux comprendre l’épidémie
Gravité, contagiosité, létalité : pour l’instant globalement préservée par le coronavirus, l’Afrique doit-elle s’inquiéter ? Décryptage en trois infographies.
En ce 4 mars 2020, les statistiques officielles font état de 94 250 cas confirmés de contamination au coronavirus dans le monde, dont… 12 en Afrique. L’Algérie est le pays le plus touché avec 5 cas, suivie du Sénégal et de l’Égypte (2 cas), puis du Nigeria, du Maroc et de la Tunisie (1 cas). Autant dire une goutte d’eau, 0,01 % du total des contaminations.
Pour les médecins, le continent n’est clairement pas « en situation d’épidémie », même si la vigilance est de mise. Les contrôles sont en place dans les aéroports, un nombre croissant de laboratoires est équipé pour analyser les échantillons recueillis sur les personnes présentant des symptômes inquiétants, le personnel médical est formé et des équipements spéciaux sont expédiés dans les hôpitaux et les centres de santé.
Pourtant, dans les rues comme dans les médias, l’inquiétude est là. On est loin de la psychose observée dans certains pays d’Asie ou d’Europe, certes, mais l’angoisse existe.
Directeur des opérations de l’organisation non gouvernementale ALIMA, qui est notamment intervenue pour soigner des malades atteints de la fièvre Ebola, le Dr Moumouni Kinda dit comprendre les craintes de ses concitoyens : « C’est une maladie nouvelle pour laquelle il n’existe ni traitement ni vaccin à ce jour, et on voit l’ampleur qu’elle a pris en Chine. Il est normal que les gens aient peur. Mais pour autant, ce n’est pas une maladie à létalité élevée comme peut l’être Ebola. Les personnes décédées du coronavirus sont essentiellement des gens âgés ou qui souffraient déjà d’autres affections ».
Les chiffres que nous publions ici confirment l’analyse du médecin : le Covid-19 est une infection sérieuse, oui, et potentiellement mortelle, mais beaucoup moins que d’autres maladies biens connues sur le continent.
Propagation rapide
Le véritable danger, en fait, tient plus à sa contagiosité, c’est-à-dire à la capacité du virus à se transmettre d’un malade à d’autres personnes. Là encore, le Covid-19 n’est pas la maladie la plus contagieuse qui existe, mais elle peut se propager rapidement et, plus inquiétant, une personne infectée peut être contagieuse avant que les symptômes se manifestent, et donc contaminer son entourage sans le savoir.
Le vrai problème c’est la panique, un afflux soudain de patients que le système ne pourrait pas absorber
C’est le principal danger, estiment les professionnels : une explosion du nombre de cas se traduirait par une ruée vers les hôpitaux et les structures de santé, qui se trouveraient débordés.
Mais ce problème n’a rien de spécifiquement africain, souligne le Dr Kinda : « Aucun système de santé dans le monde n’est prêt faire face, parce que le vrai problème c’est la panique, un afflux soudain de patients que le système ne pourrait pas absorber. » L’important est donc de communiquer, d’informer, de parvenir à faire le tri entre les malades réellement infectés et ceux qui souffrent d’un autre trouble, plus banal.
Définition vague
Au stade actuel de la maladie, cette question de la détection des « vrais cas » est cruciale, d’autant qu’elle alimente aussi le phénomène de panique. L’identification des cas a en effet une influence sur les chiffres annoncés et donc la perception que la population peut avoir de l’évolution de l’épidémie. Or depuis la fin février, une directive de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de considérer comme cas suspect tout patient souffrant de l’un des principaux symptômes du coronavirus (détresse respiratoire et fièvre, principalement) et ayant voyagé dans une région touchée par l’épidémie.
Une définition vague, admet le Dr Kinda : « Cela fait encore trop de gens qui peuvent être considérés comme “potentiellement” atteints, il faudrait une définition plus opérationnelle. Il faut surveiller surtout les personnes à risque. » Conséquence : on comptabilise aujourd’hui dans les cas suspectés des personnes ne souffrant pas de la maladie et, parallèlement, des patients affectés mais n’affichant aucun symptôme passent à travers les mailles du filet… alors qu’ils sont possiblement contagieux.
Emballement médiatique
La bonne nouvelle, malgré tout, reste le nombre extrêmement faible de cas détectés en Afrique et l’absence de propagation rapide, du moins à ce stade.
Des dizaines d’hypothèses circulent pour expliquer cette apparente exception : le climat ne serait pas propice, la génétique entrerait en jeu, de même que la démographie (le Covid-19 tue surtout des personnes âgées et l’Afrique est jeune…). Rien de tout cela n’est confirmé scientifiquement, mais il n’en demeure pas moins que la maladie est arrivée tardivement sur le continent et s’y développe peu.
Il est dommage qu’on en fasse tant alors que le paludisme ou la malnutrition sont de moins en moins financés
L’expérience acquise lors de la lutte contre des épidémies précédentes peut expliquer l’efficacité de la détection, et les mesures de vigilance mises en place par les États semblent porter leurs fruits.
Le Dr Kinda remarque aussi que le coronavirus concerne surtout des gens qui voyagent en avion : « donc pas les plus pauvres, plutôt des gens qui ont accès à l’information et qui savent qu’il faut se signaler en cas de symptômes. On aurait mis plus longtemps à réagir sur une maladie apparue dans une zone très pauvre ou inaccessible. »
Comme nombre de ses collègues, ce médecin spécialisé dans les missions humanitaires et les interventions d’urgence observe donc avec un peu d’amertume l’emballement médiatique et la mobilisation internationale qui se met en place autour du coronavirus : « Il est dommage qu’on en fasse tant alors que le paludisme ou la malnutrition sont de moins en moins financés, que le Sahel est dans une situation sécuritaire très problématique. Le coronavirus ne doit pas faire oublier ces crises-là, car elles font beaucoup plus de morts en Afrique ! »
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