Quatre destins

Publié le 19 septembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Les présidents de quatre pays importants font face à une crise plus ou moins sérieuse ; chacun à sa manière, et cette manière révèle le tempérament, parfois les mauvaises habitudes de l’un ou de l’autre. Voyons de plus près :

G.W. Bush. Peut-il prononcer une phrase sans dire une bêtise ? Frappé par l’ouragan Katrina, une partie de son pays souffre, et lui-même, n’ayant pas su réagir à temps, voit sa popularité fondre comme neige au soleil. Ce n’est donc pas le moment de lui chercher noise.
Mais comment ne pas réagir lorsqu’on l’entend dire : « La tempête n’a pas fait de discrimination et les secours n’en feront pas. »
Bien sûr que la tempête a fait de la discrimination ! Elle a touché plus particulièrement les Noirs et les pauvres (qui sont souvent les mêmes), c’est un fait que les images de la télévision ont montré à tous.
Quant aux riches, souvent blancs, ils ont disposé, eux, de l’information, du temps – et des moyens – pour fuir la zone, échappant ainsi à la tempête.
Les secours ? Lisez en page 17 ce que pensent les Américains noirs et blancs, et concluez vous-mêmes.
Justifiée ou non, totalement ou seulement en partie, la perception du racisme par nombre d’Africains-Américains, quarante ans après la fin officielle de la ségrégation, pose problème.

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Laurent Gbagbo. Le président de la Côte d’Ivoire a été élu le 22 octobre 2000, mais son mandat a été « cassé » par le coup d’État du 19 septembre 2002.
S’il n’a pas emporté le régime, le « coup » a divisé le pays en deux zones séparées par des forces d’interposition ; l’économie tourne au ralenti, et c’est un petit « miracle ivoirien » si l’État continue de fonctionner.
Aucune des nombreuses médiations entreprises n’a réussi à réconcilier les forces politiques qui se disputent le pouvoir ; la dernière en date, menée par l’Afrique du Sud, a délivré, avant de s’achever, un satisfecit au président Gbagbo et un blâme à peine voilé à ses adversaires. Le secrétaire général de l’ONU s’est prononcé publiquement dans le même sens.
C’est là un fait nouveau et, à mon avis, important : le 30 octobre prochain, lorsqu’il arrivera au terme de son mandat, le président de la Côte d’Ivoire pourra continuer à exercer ses fonctions sans crainte d’être récusé par la communauté internationale : les appels en ce sens, maladroitement formulés par ses adversaires agissant en ordre dispersé, ne seront pas entendus.
Laurent Gbagbo doit cette victoire à son habileté tactique et au fait que lui se trouve à Abidjan, tandis que ses principaux adversaires ont quitté le pays : rentré de Rome au lendemain du 19 septembre 2002, il a constamment occupé le terrain, et il continue. Cela se révèle payant.

Hosni Moubarak règne sur l’Égypte depuis vingt-quatre ans, sourd aux clameurs de ses compatriotes qui crient kifaya ! (ça suffit !). Il vient d’être réélu, et les 75 millions d’Égyptiens en ont donc repris pour six ans (voir pages 76-79).
Un seul chiffre, mais accablant – celui de la participation au scrutin -, mérite commentaire : elle a été de l’ordre de 20 % des inscrits, peut-être moins (le gouvernement lui-même la situe à 23 %) : 5 à 6 millions d’Égyptiens seulement sur 32 millions d’inscrits ont voté.
À supposer même que 80 % d’entre eux aient choisi Moubarak, cela donne quelque 4 millions de voix pour « l’heureux élu » : un peu plus de 5 % des Égyptiens.
S’il a été déçu, Hosni Moubarak ne l’a pas montré. En revanche, son fils a parlé de « succès éclatant » (sic).
George W. Bush et Jacques Chirac ont estimé possible d’adresser au vainqueur de cette « première élection pluraliste et transparente » leurs chaleureuses félicitations.

Jacques Chirac est un convalescent qui se relève mieux qu’on ne le pensait du désaveu que la majorité des Français lui ont infligé le 29 mai dernier – et de l’accident de santé qui l’a contraint à une semaine d’hospitalisation au début de ce mois.
Il est entré dans le dernier tiers de son quinquennat et personne ne pense qu’il lui sera possible de briguer un nouveau mandat en 2007.
Nicolas Sarkozy, qui l’avait déjà trahi en 1992, lui a pris de force son parti (l’UMP) ; il le « ringardise » et s’annonce, jour après jour, comme son successeur obligé.
Chirac en a fait le numéro deux de son nouveau gouvernement, ce qui prouve qu’il sait encaisser les coups sans broncher.
Et, simultanément, montrant qu’il a aussi de la ressource, il a mis sur orbite son plus fidèle collaborateur avec pour consigne de barrer la route à Sarkozy, de se poser en dauphin – pour, le moment venu, briguer sa succession.
Jusqu’ici, l’opération marche encore mieux qu’espéré. Devenu Premier ministre, Dominique de Villepin joue à merveille le rôle imparti : l’habit lui va si bien qu’on se demande pourquoi, disposant de cette carte, Chirac a commis l’erreur de l’abattre… six mois trop tard, ce qui diminue considérablement les chances de Villepin.

J’ai évoqué ci-dessus un moment de quelques destins politiques en train de s’accomplir. Nul ne sait comment se répartiront entre eux les échecs et les succès. Mais, à chacun, on peut prédire ceci : « Malheureux, ce que tu veux, tu l’auras… »

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