[Édito] En Tunisie, retrouver la flamme

Le gouvernement parviendra-t-il, enfin, à concrétiser les revendications de la révolution ? À proposer aux Tunisiens un projet fédérateur ? Il est temps, en tout cas, que les Tunisiens retrouvent la « grinta », la niaque…

Lors d’un rassemblement à Tunis, en janvier 2011, après la chute de Ben Ali. (archives). © Thibault Camus/AP/SIPA

Lors d’un rassemblement à Tunis, en janvier 2011, après la chute de Ben Ali. (archives). © Thibault Camus/AP/SIPA

  • Frida Dahmani

    Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.

Publié le 9 mars 2020 Lecture : 2 minutes.

Avenue Mohammed-V, dans le centre de Tunis. © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com
Issu du dossier

Tunisie : un nouveau départ ?

Gouvernance, relance économique, réconciliation nationale… Avec l’investiture du gouvernement Fakhfakh, le nouvel exécutif peut enfin entrer en action. Principale mission : développer le pays.

Sommaire

Pour beaucoup, 2019 a été annus horribilis en Tunisie. La crise politique aiguë, conjuguée au décès du président Béji Caïd Essebsi à deux mois des élections générales, avait mis les nerfs à vif et fait craindre un collapsus institutionnel.

C’était oublier que, bien souvent et sans doute plus que nécessaire, le pays flirte avec des scénarios catastrophe, pour finalement éviter in extremis d’irréversibles débordements. « Tout va mal qui finit bien, c’est notre devise ! » se plaît à claironner régulièrement une amie, sans toutefois pouvoir s’empêcher de se demander quand va s’arrêter ce cycle.

la suite après cette publicité

La niaque

Les Tunisiens devraient être rassurés. Les institutions n’ont pas démérité, la continuité de l’État a été préservée. Les élections présidentielle et législatives ont été organisées en temps et en heure, et se sont bien tenues, même si certains ne sont pas satisfaits des résultats. Les cartes sont quelque peu redistribuées, l’alternance en écarte certains au profit d’autres.

Les familles des victimes de la révolution tunisienne ont manifesté dans les rues de Tunis , le 13 janvier 2018. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Les familles des victimes de la révolution tunisienne ont manifesté dans les rues de Tunis , le 13 janvier 2018. © Hassene Dridi/AP/SIPA

C’est là l’un des fondamentaux de la démocratie, que tous appelaient de leurs vœux avant 2011. Les révolutionnaires – qui ont tenu bon et ont fait des envieux dans les pays arabes, en même temps qu’ils ont suscité l’admiration de l’Occident – veulent tout et tout de suite. C’est légitime et humain. Seulement, faute de décisions collectives ou, au moins, concertées, le pays, perdu dans le brouillard politique, ne parvient pas à identifier clairement ses priorités ni à trouver le cap à suivre.

À sa manière cependant, la Tunisie a réussi une partie du test. Elle a fait ses choix et tente d’avancer. La législature qui démarre et le nouvel exécutif prêt à entrer en action devraient être à même d’apporter du sang neuf, de redonner la confiance et l’élan nécessaires pour que la relance ne soit plus simplement une intention. Mais comment faire en sorte que les Tunisiens retrouvent la « grinta », la pêche, l’envie, la niaque ?

Un petit rien

Le gouvernement investi le 28 février, conduit par le social-démocrate Elyes Fakhfakh, devrait avoir l’occasion de surprendre, de rassurer.

la suite après cette publicité

Il suffirait de pas grand-chose, d’un « petit rien » cependant essentiel, pour que l’enthousiasme et la confiance reviennent, pour que la Tunisie sorte de la mauvaise passe dans laquelle elle s’est engluée, pour faire accepter par tous les mesures urgentes indispensables et pour responsabiliser les uns et les autres. Ce « petit rien » nécessaire pour que les Tunisiens, qui font preuve de résilience, aient à nouveau envie d’avancer ensemble.

Ils ont finalement admis qu’une révolution s’inscrit dans un temps long, qu’ils allaient devoir impérativement composer avec leurs différences, mais, pour sortir d’un individualisme devenu un refuge, ils attendent aussi de la vérité et de la sincérité. Les Tunisiens sont encore prêts à des sacrifices. Ils n’ont pas besoin de promesses mais ont encore et toujours besoin de rêver ou, du moins, de croire à des lendemains qui chantent juste, et si possible en chœur.

la suite après cette publicité

Personne ne souhaite se résigner, ni que l’exécutif échoue. Tous les Tunisiens attendent un gouvernement dont l’ambition est de concrétiser les revendications de la révolution, un gouvernement qui les engage dans un projet fédérateur et fasse du sourire un droit.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

[Tribune] Le clair-obscur de la transition tunisienne