« Il faut créer un droit civil africain » – Alhousseini Diabaté, grand invité de l’économie RFI-Jeune Afrique
Le juriste malien Alhousseini Diabaté encourage à rompre avec le droit civil français. Il est le Grand Invité de l’économie RFI-Jeune Afrique du samedi 7 mars février sur RFI, à 12 h 10 heure de Paris, 11 h 10 TU.
Juriste spécialiste des droits foncier, de la mondialisation et des consommateurs, le Malien Alhousseini Diabaté est actuellement en résidence à l’Institut d’études avancées de Nantes, dans l’ouest de la France. Il vient de publier aux éditions L’Harmattan sa thèse sous le titre Protection juridique du consommateur d’aliments et libéralisme économique dans les pays en développement, l’exemple du Mali (éditions de L’Harmattan). Dans cet ouvrage, l’enseignant-chercheur de la faculté de droit de l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako dit son scepticisme face aux garanties que la mondialisation peut apporter aux consommateurs de son pays. Il est le grand invité de l’émission Éco d’ici, Éco d’ailleurs, coproduite par Jeune Afrique et RFI, et diffusée sur RFI samedi 7 mars à 12 h 10, heure de Paris.
- Covid-19
L’Uemoa est avant tout un espace économiquement intégré. Son objectif premier est d’assurer un libre-échange, ce qui peut ne pas faciliter la lutte contre le Coronavirus, car tout État doit se justifier quand il prend des dispositions contraires à ce principe. Mais je pense qu’actuellement l’Uemoa devrait prendre des mesures conjoncturelles pour protéger la santé publique. Au delà de ces mesures d’urgence, l’Uemoa doit faire une place importante à la protection de la santé publique, à la protection du consommateur et plus généralement à la protection d’autres objectifs que les objectifs marchands.
- Zleca
En principe, la Zone économique de libre échange continentale africaine (Zleca) va profiter aux consommateurs en élargissant le marché et en l’ouvrant à plus de concurrence. Elle pourra aussi être bénéfique aux opérateurs économiques. Mais il y a un risque que ces derniers soient surpassés par les opérateurs d’autres pays.
Un exemple : en 2017, nous avons réalisé une étude sur les jeunes entrepreneurs maliens qui se lancent dans la production de poulet de chair. Tous ferment boutique au bout d’un an parce qu’il produise le kilo de poulet à 1 650 F CFA, quand le coût de revient du poulet importé de Chine et d’ailleurs est de 1 200 F CFA. Alors, oui, le consommateur obtient un meilleur prix, mais il a d’autres choses à prendre en compte comme la sécurité sanitaire et le respect de la chaîne du froid.
- Circuits courts
La meilleure façon de maintenir les économies africaines compétitives, c’est en mettant en place des circuits courts et en favorisant l’agriculture familiale.
- Accaparement des terres
L’Afrique (francophone) est une proie facile pour les multinationales et les pays développés. Ce problème tire ses racines du passé. La loi (française) de 1952 pose un principe qui a été reconduit après les indépendances, celui de la terre vacante sans maître. Le colonisateur a considéré que toutes les terres non exploitées devaient revenir à l’État en niant le droit coutumier, qui veut que ce droit d’exploitation soit octroyé pour un temps à une population au travers d’un rituel où l’on demande l’autorisation aux ancêtres. C’est un mécanisme qui au contraire doit être valorisé pour sécuriser le droit de propriété et le droit à alimentation.
- Un droit africain
Au Mali, la loi du 11 avril 2017 a consacré la reconnaissance sous certaines conditions du droit foncier coutumier, des biens communs et des droits collectifs. Par exemple, les espaces villageois sont désormais reconnus par la loi. Mais certains juristes africains jugent le texte non applicable parce que dans la doctrine du droit français, seuls les individus ou personnes morales peuvent avoir un droit foncier. Or les communautés villageoises ne sont pas des personnes morales juridiquement constituées. Il faut rompre avec le droit civil français et créer un droit civil africain. En France, des chercheurs s’inspirent de la notion de biens communs en prenant l’Afrique comme point de départ, c’est dommage que les juristes africains n’y arrivent pas.
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