[Tribune] En Afrique, les nouveaux seigneurs de l’armement

Chine, Pakistan, Corée du Sud ou encore Indonésie : en Afrique, de nouveaux acteurs se font une place sur le très juteux marché de l’armement. Et leur influence est appelée à croître.

Des militants armés dans le Delta du Niger, en février 2006. © GEORGE OSODI/AP/SIPA

Des militants armés dans le Delta du Niger, en février 2006. © GEORGE OSODI/AP/SIPA

ID JA E Cherisey

Publié le 13 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Ce sont deux exemples significatifs, car ils illustrent une tendance de fond dans le marché de l’armement. Le premier nous emmène au Mali, où, le 7 janvier, l’armée a réceptionné un premier lot de véhicules blindés Typhoon en provenance des Émirats arabes unis – ces engins font partie d’une commande totale de 100 exemplaires.

Le deuxième exemple nous conduit au Ghana, où, un mois plus tôt, le président Nana Akufo-Addo a remis à l’armée de son pays 33 blindés Cobra et Cobra II, achetés cette fois auprès de l’entreprise turque Otokar.

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Nouveaux acteurs

Il y a encore une décennie, les principaux fournisseurs de l’Afrique subsaharienne étaient américains, européens, israéliens ou russes. La Chine faisait encore figure de nouvelle venue, avec sa politique agressive et innovante de grands contrats d’infrastructure incluant des achats de matériel militaire, le tout financé par des prêts à long terme.

Cependant, depuis quelques années, de nouveaux acteurs se sont imposés. Parmi eux, la Corée du Sud, qui est parvenue à vendre des fusils d’assaut au Malawi, des avions d’attaque légère au Sénégal et des véhicules tactiques au Bénin, à la Côte d’Ivoire et au Mali. Kia et Hyundai ont même installé à Bamako une chaîne d’assemblage pour des modèles civils et militaires.

L’Indonésie a également su se faire une place, en exportant des avions de transport au Sénégal, en Guinée et au Burkina Faso, tout en négociant avec le Ghana la fourniture de blindés et avec le Nigeria celle de navires amphibies et de patrouilleurs.

Soutiens avantageux

Le succès de la Corée du Sud et de l’Indonésie s’explique en partie par le soutien que les autorités de ces deux pays apportent aux entreprises, facilitant l’obtention d’aides au financement et de prêts garantis. La Turquie a recours à une approche similaire, et ses blindés sont désormais en service au Burkina Faso, au Ghana, en Mauritanie, au Nigeria, au Rwanda et au Sénégal.

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De plus, contrairement à leurs concurrents occidentaux, Ankara, Séoul et Djakarta n’ont pas à gérer le passif de décennies de relations militaires parfois tourmentées avec leurs clients. Les matériels proposés par ces différents pays sont perçus comme un bon compromis de par leur rapport qualité-prix. Plus compétitifs que leurs équivalents occidentaux, ils sont dans le même temps considérés comme plus performants ou plus fiables que ceux fournis par la Chine.

Un soldat dans la ville pétrolière de Malakal, au Soudan du Sud, le 24 février 2015 (image d'illustration). © Jacob Zocherman/AP/SIPA

Un soldat dans la ville pétrolière de Malakal, au Soudan du Sud, le 24 février 2015 (image d'illustration). © Jacob Zocherman/AP/SIPA

Ainsi, les nouvelles générations de chasseurs bombardiers développées en Europe et aux États-Unis sont trop coûteuses à acquérir et à mettre en œuvre pour la plupart des armées de l’air africaines.

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Plusieurs d’entre elles ont donc entamé des discussions avec le Pakistan, qui produit le JF-17, un avion de combat supersonique à la fois performant, abordable et adapté aux besoins des pays émergents. Le Nigeria a quant à lui passé commande de trois JF-17 et espère en acquérir trois autres rapidement. Pour remporter ce marché, Islamabad a fait d’importants efforts en matière d’assistance technique et de formation, tout en offrant à Abuja des facilités de crédits.

Coopérations plus vastes

De leur côté, les Émirats lient la plupart de leurs ventes d’armements sur le continent à des efforts de coopération plus vastes, selon une logique de développement de relations stratégiques à long terme. À cela s’ajoutent les liens qui unissent Abou Dhabi à de nombreuses nations musulmanes du continent ainsi que la volonté de contrer l’influence qatarie.

Ainsi, la vente des Typhoon au Mali citée en préambule a vraisemblablement été facilitée par un financement émirati et agrémentée d’une donation de 30 blindés supplémentaires. Les industriels émiratis ont également conclu quelques transactions plus conventionnelles, dont la vente de véhicules blindés Panthera T6 au Cameroun ou d’embarcations rapides à la marine du Mozambique.

L’influence de ces nouveaux acteurs de l’armement ne devrait que croître dans les prochaines années. Peu ou pas désireux de conditionner leurs ventes à des exigences de politique intérieure, ils sont perçus comme plus accommodants que les fournisseurs historiques. C’est une opportunité qu’ils ont perçue – et saisie !

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