Madagascar : « Haingosoa », un long-métrage à mi-chemin entre documentaire et fiction
Le Français Édouard Joubeaud signe, avec son film « Haingosoa », sorti en France le 4 mars, un beau portrait de l’univers artistique de la Grande Île.
Petit film, petit budget, petit sujet sur le parcours d’une toute jeune femme de Madagascar… mais au final un beau portrait à la fois du personnage principal et de ce qui l’entoure, soit aussi bien sa famille que son univers artistique et son pays.
C’est l’histoire d’Haingo, une jeune mère célibataire de Tulear dans le sud de la Grande Île qui essaie, non sans difficulté, de s’en sortir alors qu’elle n’a pas de travail. Et qu’on menace de renvoyer de l’école sa petite fille, qu’elle a eu à 16 ans, si elle ne paye pas non seulement sa blouse d’uniforme obligatoire mais aussi et surtout les frais de scolarité mensuels qu’elle ne peut acquitter.
Seule solution, pense Haingo : quitter sa famille de musiciens traditionnels peu fortunés et tenter sa chance 1 000 km plus au nord dans la capitale, où son talent de danseuse traditionnelle et de musicienne pourra peut-être lui permettre de trouver de quoi vivre et l’opportunité d’assurer un avenir à sa fille.
À la frontière du documentaire
Rien ne se passera bien sûr comme prévu à Antananarivo où, renvoyée de la compagnie où elle espérait entamer une carrière de danseuse, elle se retrouvera rapidement condamnée à des tâches ingrates de bonne à tout faire au sens propre. Jusqu’à ce que… mais nous ne raconterons pas la suite.
D’autant que l’intérêt du film ne réside pas véritablement dans son scénario quelque peu candide, sinon simpliste, mais plutôt dans la suite de scènes « qui font vrai », auxquelles le spectateur est convié à assister d’une séquence à l’autre : la vie quotidienne à Tulear, le vécu problématique du père musicien d’Haingo, le travail chorégraphique et les répétitions d’une troupe de danse traditionnelle, la solidarité familiale que sollicite et parfois obtient l’héroïne du film, la préparation des repas et l’invention de nouvelles saveurs qu’elle peut autoriser, le « métissage » des musiques et des danses si différentes entre le sud et le nord de la Grande Île…
Si ces scènes « font vrai », ce n’est pas du seulement à la délicatesse du maniement de la caméra et à l’empathie envers tous les personnages dont fait preuve le réalisateur Édouard Joubeaud, un Français, consultant pour des organisations internationales et en particulier l’UNESCO, devenu amoureux de Madagascar où il séjourne une bonne partie de son temps depuis plus de dix ans.
Car ce film est autant un documentaire qu’une fiction. Haingo et sa famille jouent leur propre rôle et le père de l’héroïne est un musicien reconnu et virtuose de la vièle de la minorité Tandroy au sud de l’Île. Même chose pour les danseurs et la plupart des acteurs, même si la belle-sœur d’Haingo devient pour les besoins de l’histoire sa cousine, ou si le chef de la compagnie de danse d’Antananarivo n’est pas aussi tyrannique dans la réalité qu’à l’écran. Et cet aspect documentaire fait pour une grande part le prix de ce long métrage sans prétention, mais plein de charme.
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